Aller au contenu

Système de la nature. Classe première du règne animal, contenant les quadrupèdes vivipares & les cétacées/Classe I. Les Animaux à Mamelles

La bibliothèque libre.

CLASSE I.

LES ANIMAUX
À MAMELLES.


Des troupeaux aſſemblés, les mugiſſantes voix
Font gémir les côteaux, les rivages, les bois.

Virg. III. 554.


Ces Animaux, les ſeuls qui ſoient pourvus de mamelles, voiſins de l’homme par leur ſtructure, leurs viſcères, leurs organes, la plupart quadrupèdes, habitent le continent avec nous, leurs plus cruels ennemis, tandis qu’on petit nombre d’entr’eux de la plus grande taille, & muni de nageoires ſe ſouſtrait à peine dans la mer à notre pourſuite.

Les Quadrupèdes ſont vêtus de poils flexibles, très-doux, ſéparés, peu délicats, & plus fournis dans les climats froids que dans les contrées chaudes. Ces poils ſemblent réunis en piquans (dans les Hériſſons, les Porc-épics). Ces piquans ſont étendus en écailles (dans les Pholidotes). Ces écailles ſont réunies en bouclier (dans les Tatous). Cette toiſon de poils eſt ſouvent ſéparée par des Sutures (dans le Chien, le Cheval) qui ſont allongées en Criniere (dans le Cheval, le Cochon) ; mais ceux de ces animaux qui ſont aquatiques, ſont nus, afin qu’ils ne ſoient pas trop long-temps mouillés lorſqu’ils sont obligés de ſe rendre ſur terre. La face de ces quadrupèdes eſt souvent diſtinguée par des verrues ſétifères (ou portant des crins), leurs lèvres par des mouſtaches, leur menton par une barbe (dans l’homme, le ſinge, la chevre), les pieds & la poitrine par des calloſités (dans le cheval, le chameau).

Leurs Soutiens, inſtrumens de leur mouvement, ſoit pour fuir avec vîteſſe l’approche d’un ennemi, ſoit pour atteindre leur proie, ſont quatre pieds, ou jambes, dont les antérieurs sont munis de paumes (palmæ) ſemblables quelquefois à des mains, ayant le pouce éloigné des autres doigts (dans les Primats, les Sarigues) ; & dont les poſtérieurs ſont terminés par leurs plantes (plantæ) pour la ſureté de la marche ; ces pieds ſont ou palmés, les doigts étant joint par une membrane pour nager, ou fendus, à doigts ſéparés, pour la facilité de la courſe, ou appuyés ſur les talons, pour la fermeté du maintien (dans l’homme, l’ours) : & afin qu’ils ne s’usâſſent ſur l’aſpérité des chemins, ils ſont ou gantés d’un poil épais (dans le Lievre commun, l’Iſatis, les Pareſſeux) ou ongulés, ayant une corne qui entoure le pied ou les doigts en maniere de ſabot (dans les grands quadrupèdes, les beſtiaux), en laquelle le talon ſe trouve auſſi quelquefois renfermé. Mais ils ſont le plus ſouvent onguiculés dans les bêtes ſauvages, ayant leurs ongles impoſés ſur les doigts, courbés & pointus, afin d’en ſaiſir leur proie, d’en déchirer leur ennemi, d’en creuſer la terre ; ces ongles ſont ordinairement en aléne & arqués ; quelques-uns des animaux à mains les ont ovales & applatis, mais dans les bêtes qui vivent de proie, ils ſont ſubulés & crochus. Les animaux volans ſe ſoutiennent dans les airs ou par leurs mains allongées & garnies de membranes (les chauve-ſouris) ou s’élancent au moyen d’une peau étendue des pieds de devant à ceux de derriere (les écureuils-volans). Mais les animaux aquatiques, qui ſont dépourvus & d’ongles & de ſabots, & de pieds même, ont à leur défaut des nageoires pectorales, compoſées de l’omoplate, de l’épaule, du bras, du carpe, du métacarpe & des doigts (les Cétacées).

Les Armes des Animaux à Mamelles, outre les ongles & les dents, ſont principalement des cornes, de matière cartilagineuſe, implantées ſur la tête ; elles ſont ou ſolides & perſiſtantes (dans le Rhinocéros), ou branchues & annuelles, couvertes en premier de poils, & croiſſant par leur ſommet (les Cerfs), ou creuſes & en maniere d’étui, croiſſant par leur baſe (les Bœufs, les Chevres, les Moutons) ; avec ces cornes ils vont au devant de leur adverſaire, le percent, le frappent.

C’eſt donc de différentes manières que tous ces Animaux ſe défendent contre leur ennemi ou lui échappent, ſoit en combattant, en mordant, en déchirant, en ruant, en heurtant ; ſoit en fuyant, en ſautant, en grimpant, en creuſant, en plongeant, en nageant, en voltigeant ; ou par leur puanteur, leurs clameurs, leurs ſurpriſes.

Les Instrumens de la nourriture ſont les Dents, qui ſont de trois ſortes : les dents inciſives, souvent comprimées, deſtinées à arracher, ronger, mettre en pieces ; les dents canines, coniques, plus longues, ne ſe rencontrant pas l’une l’autre, ſervant à déchirer ; les dents molaires, plus larges, pour broyer ; celles-ci ſont obtuſes dans les frugivores, plus aiguës dans les carnivores. Les ſeuls fourmiliers & pholidotes n’ont point de dents.

La Queue, formée d’un prolongement des vertèbres du dos, eſt un voile propre à couvrir des parties qu’il convient de cacher ; peu d’animaux en manquent (l’homme, quelques ſinges, quelques rats). Elle eſt courte & pas plus longue que les cuiſſes (dans le lievre, la taupe, le hériſſon) elle eſt allongée ou longue lorſqu’elle atteint ou paſſe la longueur des jambes (dans les Chats, les Rats). Ces différentes queues ſont ou nues, (dans les Rats) ou prenantes, qui ſe roulent ſur elles-mêmes, & dont l’animal peut ſe ſervir comme d’une main (dans quelques ſinges, le coëndou, quelques ſarigues) ou touffues, à longs crins (dans les Chevaux, les Bœufs), ou flocconeuſes, terminées par un floccon ou pinceau de poil (dans le Lion mâle, le Gerbo) ou diſtiques, garnies de poils en deux rangs oppoſés (dans les Écureuils, les Fourmiliers).

Les Gardiens deſtinés à la conſervation individuelle des ſens de l’animal, ſont :

Les Oreilles extérieures (quand on dit ſimplement Oreilles dans une phraſe caractériſtique, on entend toujours les oreilles extérieures), contribuant à la fineſſe de l’ouie ; les animaux aquatiques en manquent ; elles ſont arrondies, ovales, aiguës, ou acuminées ; droites ou pendantes.

Les Yeux, ayant la prunelle orbiculaire dans les animaux diurnes ; linéaire expanſible, & perpendiculaire ou transverſale dans les animaux nocturnes. Peu d’entr’eux les ont pourvus d’une membrane clignotante. Des paupieres mobiles dans tous ; ciliées toutes deux (dans l’homme & les ſinges) & la ſupérieure ſeulement garnie de cils dans la plupart des autres animaux.

Le Nez, comprimé, camus, retrouſſé ou bifide, plus court que les levres (dans les ſinges), un peu plus long que les levres (dans la plupart de bêtes fauves) ou allongé en trompe (dans l’Éléphant). Les narines ſont ovales ou orbiculées.

La Langue, ſimple dans la plûpart, dentelée-ciliée (dans les Chiens), hériſſée de papilles aiguës en deſſus (dans les Chats), filiforme (dans les Pholidotes, les Fourmiliers), bifide (dans les Phoques) ; la levre ſupérieure eſt creuſée dans la plupart ; fendue (dans les Loirs).

Une recherche curieuſe des parties génitales déplairoit, quoique par la variété, & la particularité du clitoris, des nymphes, du ſcrotum, du penis, elle pourroit frayer la route aux ordres naturels.

La plûpart de ces quadrupèdes ſont excités à l’amour par une volupté vague ſans détermination d’objet particulier ; les mâles ſe diſputent leur femelle, le plus ſort l’emporte & donne la vie à un petit qui tient de ſa vigueur & de ſon courage ; ils s’accouplent intimément à leurs ſemelles, qui ſont vivipares, couvant dans leur ſein leur progéniture, l’allaitant dès qu’elles l’ont miſe au jour, qui la défendent, la ſoignent juſqu’à ce qu’elle ſoit adulte, & en état de donner l’exiſtence à ſon tour. Quelques-uns ſont polygames, & ont un ſerrail de pluſieurs femelles qui leur ſont appariées & qu’ils protègent (les Phoques). Très-peu ſont monogames & forment deux à deux une ſociété indiviſible, pour l’éducation de leurs petits (quelques eſpeces de ſinges, le Maki, les chauve-ſouris, le hériſſon).

Toutes les femelles ont des Mamelles propres à allaiter ; les mâles mêmes en ſont pourvus (le cheval excepté), quoiqu’elles ne puiſſent ſervir à cet uſage ; elles ſont placées par paires en nombre déterminé : pectorales (dans les Primats, les Cetacées), abdominales (dans les ſarigues, les phoques), inguinales (dans les beſtiaux, les grands quadrupèdes), abdominales & pectorales enſemble (dans pluſieurs Loirs), rangées longitudinalement (dans les cochons & autres). Leur nombre le plus commun eſt de deux pour chacun des petits, auxquels elles donnent d’ordinaire naiſſance en même-tems.

Usages : On élève principalement les divers beſtiaux pour leur viande, leur lait, leur cuir, leur peau, leur graiſſe ; le Cheval, le Bœuf, le Chameau, l’Éléphant pour la charge ; diverſes bêtes fauves pour la chaſſe, pour la deſtruction des rats, des ſerpens ; on nourrit les eſpeces les plus rares dans des parcs ou des ménageries.

Les Auteurs du ſiecle précédent ſont Gesner, Aldrovande, Jonston ; les Modernes ſont Ray, Brisson, Houttuyn, le Comte de Buffon, Pennant, Pallas, Schreber, Klein, Cetti, Erxleben, Blumenbach, Camper, Storr.

La ſcience doit ſe traiter dès le commencement par la deſcription de chaque Animal à Mamelles, de ſa façon de vivre, de ſes uſages économiques, afin que par l’hiſtoire naturelle ainſi écrite, ſe manifeſtent les vues du Créateur.

Les Ordres des Animaux à Mamelles ſe forment principalement ſur la conſidération des dents :

ANIMAUX À MAMELLES.
Onguiculés
des Dents
 
Inciſives nulles les brutes.
Inciſives au nombre de deux à chaque mâchoire, point de dents canines. les loirs.
Inciſives au nombre de quatre à chaque mâchoire ; une dent canine à chaque côté des dents inciſives. les primats.
Inciſives coniques (ſix, deux ou dix à chaque mâchoire) ; une dent canine à chaque côté des dents inciſives. les bêtes fauves.
Ongulés
des Dents
 
Inciſives aux deux mâchoires. les grands Quadrupèdes.
Inciſives nulles à la mâchoire ſupérieure. les bestiaux.
ſans ongles. Des dents différentes dans les divers genres. les cétacées.

I. Les Primats. Primates.

Quatre dents inciſives à la mâchoire ſupérieure, parallèles (quelques eſpeces de Chauve-ſouris cependant exceptée, qui n’en ont que deux ſupérieures ou même en manquent). Deux dents canines ſolitaires à chaque mâchoire.
Deux Mamelles pectorales.
Deux pieds en forme de mains, à ongles, dans la plûpart applatis, ovales.
Leur nourriture eſt végétale qu’ils inciſent ; peu ſe nourriſſent d’animaux.

II. Les Brutes. Bruta.

Point de dents inciſives ni ſupérieures ni inférieures.
Pieds munis d’ongles robuſtes.
Marche peſante ou inepte.
Leur nourriture eſt ordinairement végétale, qu’elles broyent.

III. Les Bêtes fauves. Feræ.

Dents inciſives coniques, le plus ſouvent au nombre de ſix à chaque mâchoire. Dents canines aſſez longues. Dents molaires aiguiſées-coniques (non tronquées).
Pieds onguiculés, à ongles ſubulés.
Leur nourriture ſont des corps morts, ou vivants dont elles font leur proie, & qu’elles déchirent.

IV. Les Loirs. Glires.

Deux dents inciſives à chaque mâchoire. Point de dents canines.
Pieds onguiculés, à marche ſautillante.
Leur nourriture ſont des écorces, des racines, des végétaux &c. qu’ils rongent.

V. Les Bestiaux. Pecora.

Pluſieurs dents inciſives à la mâchoire inférieure ; point de dents inciſives à la mâchoire ſupérieure.
Pieds ongulés fourchus.
Leur nourriture ſont des plantes qu’ils arrachent & ruminent.
Quatre eſtomacs : le ruminant qui amollit la nourriture ; le réſeau treilliſſé qui la reçoit enſuite, l’omaſe pliſſé qui la conſume ; l’abomaſe faſcié, qui l’aigrit au moyen de la préſure, afin qu’elle ne paſſe point à l’alkaleſcence.

VI. Les grands Quadrupèdes. Bellua.

Dents inciſives obtuſes.
Pieds ongulés.
Marche grave.
Leur nourriture eſt végétale qu’ils attirent.

VII. LES CÉTACÉES. Cete

Des nageoires pectorales au lieu de pieds ; queue horizontale (plagiura) plane. Point d’ongles ni de poils.
Des dents cartilagineuſes aux uns, oſſeuſes aux autres. Un (ou pluſieurs) évents au lieu de narines, ſitués ſur la partie antérieure & ſupérieure du crâne.
Leur nourriture ſont des molluſques, des poiſſons.
Ils habitent la mer.

Nous sommes forcés de joindre ces animaux, ſéparés à juſte titre des poiſſons, aux animaux à mamelles, par rapport à leur cœur biloculaire, & chaud, leurs poumons reſpirans, leurs paupières mobiles, leurs oreilles creuſes, & recevant l’impulſion du ſon au moyen de l’agitation de l’air, les ſept vertèbres de leur cou, leurs lombes, leur coccyx, leur penis s’introduiſant au corps des femelles, l’allaitement des petits ; ce qui paroît à bon droit conforme aux loix de la nature.