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Système de la nature. Classe première du règne animal, contenant les quadrupèdes vivipares & les cétacées/Règne Animal

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REGNE ANIMAL.


Les Animaux, organiſés & vivans, ſentent au moyen d’un médullaire animé, apperçoivent au moyen des nerfs, & ſe meuvent à leur gré du mouvement qui leur eſt propre.

La Vie de l’animal, de cette machine hydraulique, de ce mobile perpétuel, eſt une flamme, un feu éthéré-électrique, toujours allumé dès le premier moment de ſon exiſtence, toujours entretenu par des ſoufflets agiſſans, & dans lequel réſide l’incompréhenſible & arbitraire volonté locomotrice.

La Nature, prodigue en ſes multiplications, commence par ébaucher en petit chacun des êtres vivans, les engendre dans un fluide, les paracheve dans le liquide d’un œuf, car tout ce qui vit, vient d’un œuf.

l’Œuf, ſous ſes tuniques qui renferment ſouvent un Albumen ou blanc d’œuf, contient, ce qu’on nomme le jaune d’œuf, au côté élevé duquel eſt inſéré le point ſaillant, végétant en un embrion, tigé du cordon ombilical, enraciné par le placenta.

La Mere prolifère éclot en elle avant la génération l’abrégé vivant médullaire du nouvel animal, nommé la carène de Malpighi, analogue à la plumule des végétaux ; celui-ci, par la géniture ſpermatique, s’aſſocie un cœur qui ſe ramifiera en un corps ; c’eſt ainſi que le point ſaillant de l’œuf couvé par un oiſeau, ſe forme en premier en un cœur palpitant, & en un cerveau avec ſa moëlle épiniere ; ce cœur naiſſant, dont le froid feſoit ceſſer le mouvement, eſt excité par la vapeur échauffée de l’œuf, & une bulle d’air peu à peu dilatée, force les liquides à ſe porter dans leurs flexibles canaux. Le point vital des êtres vivans n’eſt donc qu’une ramification continuée de la vie médullaire depuis la première création, puiſque l’œuf eſt le bourgeon médullaire de la mere, vivant en elle, mais ne vivant pas en lui-même, avant que le cœur lui ſoit communiqué par le pere ; d’où il ſuit qu’il ne ſauroit y avoir de génération équivoque ou ſpontanée.

La Machine hydraulique animale eſt conforme à la végétale, mais engencée de berceaux ou ſources de diverſes fonctions, & modifiée différemment à l’égard de chacune :

La ſubſtance médullaire eſt intime, molluſque, allongée en tige très-ſimple, ayant pour baſe la bulbe du cerveau, & qui, ſe ramifiant à l’infini à ſon extrêmité, jette partout des filets nerveux, auſſi très-ſimples & qui lui ſont homogènes.

La ſubſtance Intestine, intérieure, eſt une croûte qui endurcit, & qui couvre la ſubſtance médullaire, allongée du tubercule du crâne en la tige des vertebres, articulée de genoux ou nœuds mobiles, & ramifiée oppoſitement aux jointures, ſur laquelle ſont aſſiſes les feuilles muſculaires, déterminément éparſes, attachées auſſi par leur extrêmité à la plus prochaine articulation, fibreuſes, charnues, contractiles.

La ſubſtance Corticale eſt extérieure, enracinée dans l’intérieur par les vaiſſeaux lactés, allongée de la bulbe du cœur en une tige vaſculeuſe double & égale, ſemblablement ramifiée, & infiniment diviſée à ſon ſommet ; ſa dernière dichotomie ou diviſion ſe termine à la fructification des parties génitales.

Les berceaux ou ſources des Facultés ſont au nombre de cinq dans la machine animale.

La faculté Animale électrico-motrice, ſupérieure ou premiere, organe intime de l’animal vivant, agiſſant en ſecret, voulant & ſentant, raiſonnant dans la bulbe organiſée (le cerveau) & ſe déployant au dehors, gouverne, régit le tout par ſes filets électriques.

La faculté Vitale des poumons, pneumatique, ſeconde en ordre, hume le principe vital de l’air, propre à l’entretien du foyer animal.

La faculté Naturelle des vaiſſeaux, hydraulique, troiſieme en ordre, reçoit & chaſſe alternativement par le tout, au moyen du mouvement continu du cœur, les liqueurs & les ſucs, auxquels & deſquels doit être tour à tour ajouté & ôté.

La faculté Alimentaire des inteſtins, digeſtive, quatrieme en ordre, prépare dans le tuyau inteſtinal les ſucs propres aux vaiſſeaux lactés & qui doivent être portés à l’écorce vitale & au-delà.

La faculté Générative, ſpermatique, combinatoire, inferieure ou derniere en ordre, réunit, à l’extrêmité du tronc animal & naturel, la ſubſtance médullaire avec la corticale, afin que le petit animal en reſulte dans ſa forme parfaite.

Les Organes des ſens ſont des machines phyſiques, inſérées à l’extrémité d’un nerf, voiſin au ſenſorium du cerveau, par-leſquelles l’animal apperçoit au moyen d’un méchaniſme divin les choſes éloignées.

L’Œil : chambre obſcure, peignant l’image des objets avec leur proportion, leur figure, leur couleur.

L’Oreille : tambour tendu ſur l’eſcargot par une corde membraneuſe, trémouſſant au mouvement de l’air ſubtil.

Le Nez : membrane très-large, humide, tortillée-pliſſée, fixant les parties volatiles de l’air qui s’y inſinue.

La Langue : des petites éponges abſorbantes, éparſes, attirant ce qui eſt diſſous.

Le Toucher : des papilles molles, ſe rendant propres au premier inſtant la figure des corps qui les preſſent.

La plûpart des animaux ſont pourvus de ces organes, mais ils ne ſont pas départis tous enſemble à tous. S’il avoit plû au Créateur de leur en augmenter le nombre, ils auroient encore eu plus de perceptions ; de même que l’aimant reſſent la préſence du fer, & l’ambre les phénomènes électriques. Il a donné des antennes aux inſectes ſeuls, dont l’uſage nous eſt auſſi inconnu qu’à eux celui de nos oreilles. L’œil découvre les objets environnans par l’impulſion de la lumière, l’Oreille les entend par l’impulſion de l’air, le Toucher apperçoit les objets prochains par leur ſolidité, leur réſiſtance ; le Nez ſaiſit les objets volatils par leur impreſſion ſur les nerfs olfactifs ; la Langue goûte les objets ſolubles par la ſenſation qu’ils font ſur ſes fibres ; ils ſont agréables, permis, ou ſalutaires ; rebutans, défendus, ou nuiſibles.

La police de la Nature ſe manifeſte par l’enſemble de ſes trois Regnes ; car de même que les peuples ne naiſſent point pour ceux qui leur commandent, mais que ceux-ci ſont établis pour le maintien de l’ordre parmi leurs ſujets, ainſi à cauſe des végétaux naiſſent les animaux frugivores, à cauſe des frugivores les carnivores, & de ceux-ci les grands pour les petits, & l’homme (comme animal) pour les plus grands & pour tous, quoique principalement pour lui-même, afin que par la domination néceſſairement deſtructive & oligarchique de l’un ſur l’autre, la proportion, l’équilibre des choſes naturelles ſe maintiennent, avec la ſplendeur de la république de la nature. Tous les citoyens de cette république s’uniſſent tour à tour à faire éclater la majeſté de l’Être raiſonnable, de l’homme, qui leur commande, & qui de ſon côté doit avoir pour premier but ſa reconnoiſſance envers le ſuprême législateur.

Comme l’eau s’augmente de ſources en ruiſſeaux, de ceux-ci en rivieres, & de rivieres en fleuves & ſe rend ainſi par eux à la mer, la république naturelle remonte auſſi d’un peuple très-nombreux d’animaux à un plus petit nombre d’une condition plus relevée, de ceux-ci à un très-petit de grands animaux, & ſe termine à l’homme, leur ſouverain ; en même tems que les plus petits animaux, preſque infinis en nombre, en force, en puiſſance ſont deſtinés à l’uſage des animaux plus grands, plus inertes, plus impoſans ; & certes la Nature n’eſt jamais plus tout ce qu’elle eſt, que dans les plus petites choſes.

Il y a autant de Ministres de cette police, attachés à des fonctions particulières, qu’il y a d’eſpeces d’animaux, ils ſont engagés à remplir leurs offices par leur propre avantage, puiſqu’ils doivent à leur travail leur ſuſtentation, afin que rien ne manque, où il n’y a rien de ſuperflu. Toutefois pour que l’un ne s’ingere point de la beſogne de l’autre, & ne dérobe ainſi à quelqu’un ſa part du lucre commun, la peine capitale eſt infligée par la loi du venin, (c’eſt-à-dire, que ſouvent ce qui fait la nourriture de l’un, eſt du poiſon pour l’autre) promulguée aux ſens mêmes, ſur-tout de l’odorat & du goût ; pour que les tranſgreſſeurs n’aient point d’excuſe.

Les principales Opérations des habitans de la Nature ſont :

1. De multiplier l’eſpece, afin qu’ils ſuffiſent à leurs emplois.

2. De conſerver l’équilibre entre les eſpeces d’animaux & de végétaux, afin que la même proportion ſe perpétue.

De dépouiller chaque année les végétaux, afin que le théâtre annuel de la nature ſe renouvelle.

De réprimer ce qui eſt contre ſes loix, de crainte que ce qui eſt légitime n’en ſouffre.

D’enlever ce qui eſt languiſſant, mort, mal-propre, gâté, ſtagnant, aigri & putride, afin que la propreté brille partout.

3. De ſe préſerver eux-mêmes de la deſtruction, pour que l’ordre ſoit maintenu.

L’Économie de la Nature s’exerce dans la génération, la conſervation, la deſtruction des choſes, afin que l’ouvrage de la création perſiſte en ſon entier, & c’eſt à quoi tout conſpire en elle.

Les Animaux nouveaux-nés dont le ſang eſt chaud, ont beſoin pour leur éducation du ſecours d’autrui ; & comme le Créateur a pris ſoin gratuitement du premier individu, que ce devoir paſſe donc comme un dépôt en ligne deſcendante à chaque génération, même ſans eſpoir de retour.

La Conſervation dépend d’un aliment quotidien, mais qui étant diſperſé au loin, doit être recherché avec vigilance.

La Deſtruction de l’un fait le renouvellement de l’autre, & c’eſt ainſi qu’au défaut d’êtres parvenus naturellement au terme de leur carrière, une chaſſe laborieuſe doit ſoutenir l’exiſtence. Il exiſte donc une lutte continuelle & réciproque des êtres, les plus ſorts y réſiſtent par leurs armes, leurs retranchemens, leurs mouvemens diverſifiés, leurs exhalaiſons ; les foibles y ſuccombent s’ils ne peuvent échapper au danger par une fuite précipitée.

Des Instigateurs ont auſſi été établis par la Nature pour le prompt accompliſſement des devoirs :

La Volupté flatteuſe appelle & excite à la propagation.

La Faim avare ſollicite & preſſe à la conſervation.

La Douleur impitoyable avance & repouſſe la deſtruction.

Ils ne ſeroient point, ſi Dieu n’exiſtoit pas.

La Division naturelle des animaux eſt indiquée par leur conformation interne :

Cœur biloculaire, à deux oreillettes ;
Sang chaud, rouge.
dans les vivipares. Les animaux à mamelles.
dans les ovipares. Les oiſeaux.
Cœur uniloculaire, à une oreillette,
Sang froid, rouge.
poumon reſpirant au gré de l’animal. Les Amphibies.
branchies extérieures.
(des ouïes)
Les Poiſſons.
Cœur uniloculaire, ſans oreillettes,
Sanie froide, blanchâtre.
des antennes. Les Inſectes.
des tentacules. Les Vers.

I. Les Animaux à mamelles. Mammalia.

Cœur biloculaire, à deux oreillettes ; ſang chaud, rouge.

Poumons reſpirans alternativement.

Mâchoires appliquées l’une contre l’autre, couvertes ; garnies, dans la plûpart, de dents y enchaſſées.

Penis s’introduiſant au corps des femelles pendant le coït ; elles ſont vivipares & donnent du lait.

Leurs Sens ſont : la Langue, les Narines, les Yeux, les Oreilles, les Papilles, organes du toucher.

Leurs Couvertures ſont : des poils, peu nombreux aux animaux des contrées très-chaudes, & en très-petit nombre dans les animaux aquatiques.

Leurs ſoutiens ſont : quatre pieds, à l’exception des animaux à mamelles purement aquatiques, dans leſquels les pieds poſtérieurs manquent tout-à-ſait.

La plupart ont une queue.

II. Les Oiseaux. Aves.

Cœur biloculaire, à deux oreillettes ; ſang chaud, rouge.

Poumons reſpirans alternativement.

Mâchoires appliquées l’une contre l’autre, nues, ſaillantes, ſans dents.

Penis ſans ſcrotum s’introduiſant un peu au corps des femelles pendant le coït ; elles ſont ovipares, & leurs œufs ont une enveloppe calcaire.

Leurs Sens ſont : la Langue, les Narines, les Yeux, les Oreilles dépourvues d’oreillons, (c’eſt-à-dire, de parties extérieures.)

Leurs Couvertures ſont : des plumes, couchées les unes ſur les autres, embriquées.

Leurs ſoutiens ſont : deux pieds, deux ailes.

Un croupion en forme de cœur.

III. Les Amphibies. Amphibia.

Cœur uniloculaire, à une oreillette ; ſang froid, rouge.

Poumons reſpirans au gré de l’animal.

Mâchoires couchées l’une ſur l’autre.

Deux penis (dans pluſieurs genres) ; de œufs membraneux dans la plûpart.

Leurs ſens ſont : la Langue, les Narines, les Yeux, les Oreilles.

Leurs couvertures ſont cutanées, nues.

Leurs ſoutiens varient ſelon les différens genres, quelques-uns en ſont dépourvus.

IV. Poissons. Piſces.

Cœur uniloculaire, à une oreillette, ſang froid, rouge.

Des branchies (ou ouïes) comprimées extérieurement

Mâchoires couchées l’une ſur l’autre.

Point de penis (à la plûpart). Des œufs ſans blanc ou albumen.

Leur ſens ſont : la Langue, les Narines ? les Yeux, les Oreilles.

Leurs couvertures : des écailles embriquées.

Leurs ſoutiens : des nageoires.

V. Les Insectes. Inſecta.

Cœur uniloculaire, à une oreillette, ſanie froide.

Des ſoupiraux pour le paſſage de l’air, (ſavoir les ſtigmates ou ouvertures ſituées sur les côtés du corps).

Mâchoires latérales.

Des penis s’introduisant aux corps des femelles pendant le coït.

Leurs ſens ſont : la Langue, les Yeux, des Antennes ſur la tête qui eſt dépourvue de cerveau ; point d’oreilles, ni narines.

Leurs couvertures : ils ſont cuiraſſés d’une peau oſſeuſe.

Leurs ſoutiens ſont des pattes, des ailes à pluſieurs.

VI. Les Vers. Vermes.

Cœur uniloculaire (dans la plûpart) ſans oreillettes ; ſanie froide.

Soupiraux pour le paſſage de l’air peu connus.

Mâchoires de pluſieurs formes, & différentes ſelon les divers genres.

Des penis variés dans les hermaphrodites, & les androgynes.

Leurs ſens ſont : des tentacules, des yeux (dans la plûpart), point de cerveau, point d’oreilles, ni narines.

Leurs couvertures ſont calcaires, ou nulles, à moins qu’ils n’ayent des piquans.

Leurs ſoutiens : point de pieds, ni nageoires.

* * * * * *

Ainſi le Parc de la Nature contient des Animaux de ſix formes différentes :

Les Animaux à Mamelles, couverts de poils, marchent ſur la Terre, & parlent.

Les Oiſeaux, couverts de plumes, volent dans l’air, & chantent.

Les Amphibies, couverts d’enveloppes, rampent dans la Chaleur, & ſiflent.

Les Poiſſons, couverts d’écailles, nagent dans l’Eau, & ſuçotent

Les Inſectes, couverts d’une cuiraſſe oſſeuſe, ſautillent dans le ſec & ſonnent.

Les Vers, nus, s’étendent dans l’Humide, & ſont muets.