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Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Agriculture

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AGRICULTURE.

Il y a cinq classes de cultivateurs dans l’Afghanistan :

1o. Les propriétaires qui exploitent eux-mêmes leur terrain ;

2o. Les tenanciers, qui payent une redevance en argent, ou une portion fixe des produits en nature ;

3o. Les buzgurs, qui exploitent aux mêmes conditions que les métayers, ou colons partiaires en France, c’est-à-dire, en partageant dans une certaine proportion le gain avec les propriétaires ;

4o. Les journaliers à gages ;

5o. Les esclaves qui cultivent les terres de leurs maîtres sans rétribution.

Les propriétés sont plus également partagées dans ce pays que dans tout autre. La nature du gouvernement y a singulièrement favorisé cette division. Cependant la prodigalité ou l’infortune oblige plusieurs Afghans à vendre leur patrimoine ; d’un autre côté la loi de Mahomet exige le partage égal entre tous les enfans d’un même père : ainsi chaque propriétaire, se trouvant possesseur d’un lot extrêmement modique, est obligé de le vendre à l’un de ses frères ou à un étranger. Les acquéreurs sont ordinairement des hommes en place, ou des commerçans qui ont fait fortune.

Il y a des particuliers ou des associations qui n’ont sur le sol d’autre droit que celui de premiers occupans. Il suffit qu’ils aient dirigé le cours des eaux de manière à fertiliser un canton jusqu’alors stérile. Enfin, il est des particuliers qui reçoivent directement de la couronne des concessions de terre considérables.

La valeur des terrains se calcule en général sur neuf à douze années de revenus.

On fait dans presque tout ce royaume deux moissons par année : la première se sème à la fin de l’automne, et se recueille en été ; elle consiste en froment, orge, lentilles, pois chiches, pois ordinaires et haricots.

On sème à la fin du printemps, et l’on récolte en automne le riz, le grand et le petit millet, le maïs et le dolicos.

Une culture fort importante est celle des melons musqués, des melons d’eau, et de diverses espèces de concombres, de potirons et de courges. Les plantations en sont considérables autour des villes ; on sème ces fruits dans les champs comme les grains.

Le pain de froment est la base de la nourriture des hommes ; on donne l’orge aux chevaux. On fait du pain avec le millet et le maïs. Vers l’ouest le maïs ne se plante que dans les jardins ; on en fait griller les épis, et on les mange comme friandises.

Le riz sert presqu’exclusivement à la nourriture des habitans de Cachemire. Il y a de la folle-avoine dans les environs de Peshawer, et sans doute ailleurs ; mais on n’en fait aucun usage, et l’avoine elle-même n’est pas cultivée.

Le coton ne se trouve que dans les cantons chauds de l’ouest, et les tissus de cette matière se tirent en grande partie de l’Inde.

L’huile de palma-christi est presque la seule dont on fasse usage, quoique le sésame, le senevé et d’autres plantes huileuses soient très-abondantes.

L’assa-fœtida croît spontanément dans les montagnes de l’ouest. C’est une broussaille sans feuilles d’où l’on tire une substance laiteuse qui se durcit au soleil. L’exposition au soleil fait tort à la plante ; les Afghans l’en garantissent au moyen de deux pierres plates. On exporte dans l’Inde d’énormes quantités de cette drogue ; les Mahométans et les Indous l’emploient également dans leur cuisine.

Pour féconder les terres, on a recours à plusieurs méthodes d’irrigation. La plus commune consiste à diviser le cours des ruisseaux, ou à élever le long des rivières des digues où l’on ménage des ouvertures. On pratique aussi de distance en distance des puits creusés de manière à lier entre elles des sources d’eau vive, et à arroser les champs d’alentour. Les dépenses en sont considérables, mais les riches font volontiers des fondations pour cet objet ; les pauvres eux-mêmes se cotisent pour une semblable opération, qui change tout à coup un désert aride en une terre fertile.

Les moulins à eau ont une roue horizontale, et les aubes en sont disposées obliquement ; cette roue est dans l’intérieur du moulin, et immédiatement au-dessous de la meule qui tourne sur le même axe que la roue. Ceux des Afghans qui vivent sous des tentes se servent de moulins à bras. Ces moulins consistent en deux pierres plates ; on fait mouvoir la meule supérieure à l’aide d’une manivelle.