Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Caravanes

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CARAVANES. COMMERCE.

Dans un pays enfoncé au milieu des terres, dépourvu de rivières navigables , et où la nature du sol ne permet pas l’usage de chariots à roues, les transports ne peuvent se faire que par des bêtes de somme. Les chameaux sont, sans contredit, préférables pour ce service, à cause de leur vigueur, de leur patience à endurer la soif, et de leur extrême sobriété, qui leur fait trouver bonnes toutes sortes de broussailles ; en un mot ims se nourrissent des végétaux quelconques qui s’offrent sur leur route. Ainsi les tribus dont le pays est favorable à l’entretien des dromadaires, ne manquent point de se livrer au commerce. Les propriétaires de chameaux vont sans cesse transportant les productions d’un pays riche dans un autre. Lorsqu’ils ont un petit capital, ils font ce négoce pour leur compte ; dans le cas contraire, ils louent leurs services et ceux de leurs animaux.

Pour plus de sûreté, les marchands ou les porteurs se réunissent par caravanes ; des tribus presqu’entières se déplacent quelquefois pour cette spéculation.

Ainsi, la moitié de la tribu de Mian-Khail se rend annuellement de Damaun à Shilgur. Les hommes emmènent avec eux leurs femmes et leurs enfans ; ils sont commandés par quelques-uns de leurs chefs héréditaires, sous l’autorité du chelouasti, espèce de dictateur. Si des étrangers se mêlent à la caravane, ils sont tenus d’observer les coutumes particulières de la tribu.

Chez les Baubours, la plus grande partie de la caravane est composée d’étrangers, et ceux de la tribu n’emmènent pas leur famille. Un inuschir (chef héréditaire) les accompagne, mais il n’a de pouvoir que sur ceux de sa tribu, et les autres pourroient résister à ses ordres ; cependant, il est d’usage de le nommer chef de la caravane, ce qui lui donne une puissance absolue sur toutes les personnes qui la composent. C’est ce même chef qui règle la police, qui fixe les lieux de campemens, et fait des compositions pécuniaires avec les tribus dont on traverse le territoire. Lorsque par hasard le muschir des Baubours n’est pas nommé chef, chacun se conduit à son gré, et il n’y a plus que trouble et confusion.

Les routes que suivent ces caravanes sont les plus détectables qu’on puisse se figurer ; elles sont infestées par des brigands, et surtout par les shéraunées et les vizirées qui ne vivent que de pillage. On fait la surveillance la plus exacte pour échapper à ces brigands, mais on n’y réussit pas toujours.

Les caravanes qui vont dans l’Inde ou en Perse ne campent point comme celles des tribus, elles séjournent dans les caravansérails des villes. Ces caravansérails sont de vastes enclos, entourés d’appartemens et de cellules ; on y trouve une mosquée, et souvent des bains chauds au centre. Ils sont sous la direction d’entrepreneurs qui louent les chambres à un prix modéré.

Les exportations dans l’Inde consistent principalement en chevaux et bidets, fourrures, schalts de cachemire, étoffes de Mouitaun, garance, assa-fœtida, tabac, amandes, pistaches, noix, noisettes et fruits. Les prunes, les abricots et les raisins sont ordinairement confits. Les pommes, les poires et le chasselas sont exportés frais ; pour cela on les cueille avant qu’ils soient mûrs, et on les met dans des boîtes avec du coton. Quant aux pommes de grenades, elles n’exigent aucune précaution pour l’emballage.

On tire de l’Inde des étoffes grossières de coton, des percales, des mousselines, des soieries, du brocart, d’immenses quantités d’indigo, de l’ivoire, de la craie, des bamboux, de la cire, de l’étain, du bois de sandal, et presque tout le sucre qui se consomme dans le pays. On importe en moindre quantité de gros draps, du musc, du corail et des drogues médicinales. La principale branche d’importation consiste en épiceries de toute espèce.

On transporte en Perse des schalls et des étoffes analogues, des tapis de Héraut, etc. Les schalls qui se vendent en Perse sont d’un modèle très-différent de ceux qui viennent dans l’Inde ou en Europe. Il n’y a pas longtemps que le roi de Perse a prohibé l’introduction de ces marchandises pour ne pas nuire aux manufactures de ses États.