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Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Chevaux, courriers, etc.

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CHEVAUX, COURRIERS, etc.

Les moyens de transport dans l’Afghanistan, diffèrent considérablement de ceux employés en Europe. Je parlerai ailleurs de la manière dont on transporte les marchandises et les produits de l’agriculture ; il n’est ici question que des voyageurs.

On ne fait pas plus usage qu’en Perse de chariots à roues, et l’on emploie rarement les palanquins : les personnes des deux sexes vont toujours à cheval. L’allure ordinaire est un pas fort allongé, et l’on parcourt ainsi près de deux lieues par heure ; les courriers seuls vont au trot : il est rare qu’un cavalier d’un haut rang aille au galop, à moins qu’il ne soit pressé par quelques circonstances importantes.

Il y a deux sortes de harnois pour les chevaux, savoir à la manière persane, ou à la manière des Tartares Usbeks. Cette dernière est la plus usitée.

La bride persane est attachée à la gourmette par deux ou quatre gros anneaux. Il se trouve quelquefois à ces points de jonction, des pointes aiguës, afin de piquer la bouche du cheval lorsqu’il rue ; elle est enrichie de chaînes d’argent, et d’autres ornemens.

La selle placée près de la croupe s’élève beaucoup en avant et en arrière, en sorte que le cavalier y est fermement assis, mais le pommeau et la partie postérieure sont tellement rapprochés, qu’à moins d’en avoir l’habitude, on s’y trouve mal à son aise.

Le pommeau de la selle est fort élevé, il est de bois peint, inscrusté d’or et d’argent, ou d’or émaillé, suivant les moyens du propriétaire.

La bride des Usbeks ressemble exactement à la nôtre, si ce n’est que les bossettes en sont plus larges ; le fronteau est orné aux jointures de clous d’or ou d’argent, et l’on y remarque de plus une palmette de ces métaux précieux, qui a exactement la forme d’une fleur de lis.

Les rênes, soit des Usbeks, soit des Persans, sont étroites et très-propres ; on les fait de cuir brun, et rarement de chagrin vert ; on les divise en bride et en bridon, mais on ne court jamais à toute bride.

La bride des Usbeks est, sans contredit, la plus élégante, et fait mieux ressortir les grâces d’un cheval.

La selle des Usbeks s’élève beaucoup au-dessus de la croupe ; elle est plus large et plus commode que celle des Persans, le pommeau n’en étant pas aussi élevé. Ce même pommeau est divisé en deux portions qui se courbent en dessous comme les volutes du chapiteau ionique.

Aucune de ces selles n’est rembourrée en dessous ; elles sont posées sur deux ou trois couvertures, ou sur des morceaux d'un feutre épais, et attachées par une sous-ventrière. La selle persane est souvent plate comme celle de nos hussards. On y ajoute des fontes pour les pistolets, ou des sacs pour mettre, soit une paire de souliers, soit d’autres effets. Les sacs sont de tapisserie ou d’un drap fin élégamment brodé, et font un très-bel effet.

Les pauvres ont des ornemens en fer-blanc au lieu d’argent ou d’or.

Il y a différentes sortes d’étriers. Les plus communs ressemblent aux nôtres, à cela près que les supports se prolongent au delà de la barre sur laquelle on pose le pied. Une autre espèce consiste en un plateau de fer long de neuf pouces sur quatre ou cinq de large, sur lequel repose le pied du cavalier.

Les housses sont d’une seule pièce ; les gens du commun en ont d’un drap noir et grossier, couvert de morceaux d’étoffe de diverses couleurs ; quelquefois ils emploient à cet usage la peau d’un léopard ou d’une autre bête sauvage. Les personnes riches ont des housses de velours, magnifiquement brodées, ou de brocard d’or ou d’argent, enrichies de pierres précieuses et de perles. Les grands personnages font aussi garnir de pierreries le pommeau de la selle, mais seulement pour les occasions extraordinaires. Les chevaux de main sont conduits par des écuyers à cheval, et non par des valets-de-pied comme dans l’Inde. Lorsque le maître descend pour entrer dans une maison étrangère, le valet monte à sa place jusqu’à ce que la visite soit finie. On prétend que cette méthode tient ces animaux en haleine.

Les femmes voyagent souvent dans des paniers placés sur les côtés des chameaux. Celles du roi montent quelquefois des éléphans, ou se font porter dans une sorte de litière.

Le roi lui-même voyage sur unéléphant ou en litière. La litière est portée sur les épaules de plusieurs hommes, au moyen de perches qui sont fixées à la caisse. Ce genre de voiture n’appartient qu’au monarque ; mais quelques seigneurs ont droit de se servir d’une espèce de palanquin surmonté d’un dais, et porté à épaules d’hommes. Je crois que ces porteurs sont communément des Indous, quoique leur longue barbe et leurs bonnets de poil leur donnent un aspect très différent des naturels de l’Indoustan.

Les bagages sont transportés à dos de chameaux ou plutôt de dromadaires et de mulets.

Il n’y a point de postes dans cette contrée. Le roi fait porter ses dépêches par des courriers appelés chuppers, et qui mettent une rapidité étonnante dans leurs voyages. Ils ont droit de mettre en réquisition des chevaux dans les endroits où ils passent. Ces hommes ont soin de s’envelopper et de se serrer fortement les reins et les cuisses, afin de prévenir la fatigue qui doit résulter d’aussi longues traites.

Les chuppers du roi ne se chargent point de lettres pour les particuliers ; ce sont eux-mêmes des personnages considérables, et on leur confie les messages les plus importans. Mais il y a des chuppers au service des particuliers, et les grands en entretiennent de tout prêts pour porter leurs dépêches. Les gens du commun se servent pour leur correspondance de cossids ou piétons, qui mettent une célérité singulière, et vont souvent en quatre jours de Caboul à Peshawer, qui en est éloigné de soixante-dix lieues.