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Théorie des fonctions analytiques/Note

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Joseph-Alfred Serret
Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 415-421).


THÉORIE DES FONCTIONS ANALYTIQUES.


Note de M. J.-A. SERRET.

I. La théorie remarquable exposée dans les Chapitres III et IV de la deuxième Partie fait connaître l’intégrale première et la solution singulière d’une classe assez étendue d’équations différentielles il s’agit des équations auxquelles conduisent les problèmes inverses sur le contact des courbes, et dans lesquelles n’entrent que les éléments mêmes du contact. Le succès de la méthode est dû à cette seule circonstance que les éléments du contact sont des fonctions de et des dérivées de qui, étant égalées à des constantes arbitraires, fournissent autant d’intégrales premières d’une même équation différentielle ; aussi peut-on donner un peu plus de généralité au théorème de Lagrange.

Désignons par et deux constantes arbitraires, et supposons que les équations

(1)

soient deux intégrales premières d’une même équation différentielle de l’ordre (2)

(2)

étant mis au lieu de

Si l’on élimine entre les deux équations (1), on obtiendra une équation différentielle de l’ordre

(3)

Cela posé, l’équation (3), qui est une intégrale seconde de l’équation (2) et une intégrale première de l’une quelconque des équations (1), sera également une intégrale première de l’équation

(4)

désigne une fonction quelconque, pourvu que l’on considère les deux constantes et comme assujetties à vérifier l’équation

(5)

Ce théorème est presque évident, car les valeurs de et que l’on tirerait de l’équation (3) et de sa dérivée seraient et, comme l’équation (5) a lieu entre les constantes et il s’ensuit que l’équation (4) se trouvera aussi vérifiée. Si les fonctions et ne renfermaient que et l’équation (3) ne contiendrait plus de dérivées et serait, par suite, l’intégrale générale de l’équation proposée. Il résulte de là que, si, parmi les différentes manières, en nombre infini, d’écrire une équation différentielle, on en distingue une qui permette de lui donner la forme de l’équation (4), on aura, par cela seul, intégré une première fois cette équation.

II. Proposons-nous, comme application, de chercher l’équation intégrale des lignes de courbure d’une surface du second ordre à centre. L’équation de la surface étant

(1)

l’équation différentielle des projections des lignes de courbure sur le plan sera

(2)

si maintenant on pose

ces équations seront les intégrales premières de la même équation

on pourra donc appliquer le théorème à l’équation (2). Si l’on élimine entre celles-ci, on aura

nous ferons et l’équation des projections des lignes de courbure sera finalement

(3)

étant la constante arbitraire elle représente, comme on sait, des ellipses ou des hyperboles. Comme l’équation (3) est symétrique entre et si l’on considère comme un paramètre variable et comme déterminé, l’équation (3) représentera également les projections des lignes de courbure de la surface

(4)

et, si et ont en même temps des valeurs déterminées, l’équation (3) représentera la projection d’une ligne de courbure commune aux surfaces (1) et (4), laquelle sera donc l’intersection de ces deux surfaces.

Si dans l’équation (1) on a devra être compris entre et ou inférieur à ces deux quantités, car autrement les deux surfaces ne se couperaient pas. On conclut de là que les trois équations

(5)

dans lesquelles et sont des constantes déterminées, trois paramètres variables compris, le premier entre et le second entre et et le troisième entre zéro et représentent trois systèmes de surfaces telles, que l’une quelconque des surfaces de l’un de ces systèmes sera coupée, suivant ses lignes de courbure, par toutes les surfaces des deux autres systèmes. Il en résulte que les surfaces (5) sont orthogonales entre elles.

C’est au même principe que l’on doit rattacher l’intégration de l’équation si connue

car, si l’on fait

à cause que les deux équations qui précèdent sont les deux intégrales premières de l’équation

l’équation

qui résulte de l’élimination de sera l’intégrale générale de la proposée, pourvu que les constantes et soient unies par la relation

et l’on obtient finalement

désigne la constante arbitraire. Au surplus, dans la question actuelle, les fonctions et entre lesquelles a lieu l’équation proposée, ne sont autres que les éléments du contact du premier ordre.

III. Les équations différentielles dont il vient d’être question, et dont on détermine si aisément une intégrale première, admettent, en général, des solutions singulières, ainsi que Lagrange l’a remarqué la théorie de ces solutions singulières peut être présentée trèssimplement à l’aide de considérations géométriques, identiques à celles que l’on emploie dans la recherche des développantes des courbes planes.

Lorsqu’on donne l’équation d’une courbe en coordonnées rectangulaires et on obtient, comme on sait, l’équation de la développée en éliminant et à l’aide de la proposée et des deux suivantes,

(1)

dans lesquelles et représentent les coordonnées du centre de courbure.

Mais si, au contraire, on donne l’équation

(2)

de la développée, et que l’on élimine et entre les équations (1) et (2), on obtiendra l’équation différentielle du second ordre

(3)

que la théorie présente immédiatement comme devant faire connaître les développantes de la courbe représentée par l’équation (2). Mais cette équation est du second ordre, et son intégrale complète doit renfermer deux constantes arbitraires, tandis qu’il n’en peut entrer qu’une seule dans l’équation des développantes, d’où résulte ce paradoxe d’Analyse signalé par Lagrange, et qu’il est bien aisé d’éclaircir. D’abord l’équation (3) est du genre de celles dont nous avons parlé précédemment, et son intégrale première s’obtiendra en éliminant des équations (1), ce qui donne

(4)

dans laquelle et doivent être considérées comme deux constantes liées par la relation

désignant une constante arbitraire, l’intégrale de l’équation (4) sera

Cette équation, qui renferme deux constantes arbitraires, est l’intégrale générale de l’équation (3) ; elle représente un cercle de rayon arbitraire et dont le centre est en un point quelconque de la courbe donnée que représente l’équation (2). Le cercle satisfait effectivement à la question de Géométrie, puisque, pour chacun de ses points, le centre de courbure est bien situé sur la courbe donnée. Il résulte donc de là que l’équation des développantes de la courbe proposée est nécessairement une solution singulière de l’équation différentielle (3). La plupart des Traités d’Analyse ne font aucune mention de l’équation (3) comme devant faire connaître l’équation des développantes, et l’on se contente habituellement de montrer, à l’aide de considérations particulières, que celle-ci est l’intégrale générale d’une équation différentielle du premier ordre, laquelle résulte de l’élimination de et entre les trois équations

C’est, au surplus, le résultat auquel on est immédiatement conduit en considérant les développantes d’une courbe comme les trajectoires orthogonales de ses tangentes.

IV. Nous allons montrer quelle extension on peut donner aux considérations particulières que l’on emploie dans la théorie des développantes. Nous savons que, si les équations

(1)

sont deux intégrales premières d’une même équation différentielle, et que

(2)

en résulte par l’élimination de cette dernière équation sera une intégrale première de l’équation

(3)

pourvu que l’on considère et comme des constantes vérifiant l’équation

(4)

en sorte que l’on obtiendra l’intégrale générale de l’équation (3) en cherchant celle de l’équation (2), dont l’ordre est inférieur d’une unité.

Considérons et comme des coordonnées rectangulaires, de même que et puis imaginons que l’on ait tracé la courbe représentée par l’équation (4), en même temps que celles qui sont représentées par l’intégrale générale de l’équation (3) ; chacune de ces dernières dépendra, en partie, de la position d’un point de la première courbe, de celui qui répond aux valeurs de et relatives à la courbe que l’on considère pour abréger le discours, j’appellerai ce point point dinectcur, et courbe directrice l’ensemble des points directeurs, c’est-à-dire la courbe représentée par l’équation (4).

Pour tous les points d’une même courbe de l’intégrale générale (3), le point directeur est le même, et jouit, par rapport à chacun d’eux, d’une propriété commune définie analytiquement par les équations (1) ; d’où il suit clairement que les courbes susceptibles de satisfaire à l’équation (3) et qui ne font pas partie de l’intégrale générale jouissent de cette propriété remarquable que le point directeur n’est pas le même pour tous les points d’une même courbe, et que la propriété définie analytiquement par les équations a lieu entre les différents points d’une même courbe et leurs correspondants sur la courbe directrice.

Pour chacune de ces nouvelles courbes qui constituent une solution singulière de l’équation (3), l’équation (2) aura encore lieu entre les coordonnées de l’un de ses points et celles et du point directeur correspondant ; mais, si l’on fait varier et et varieront aussi : on aura donc, en différentiant l’équation (2),

Mais, si l’on observe que l’équation (2), dans laquelle on regarde et comme constantes, est une intégrale première de l’une quelconque des équations (1), on verra que le coefficient de dans l’équation précédente devient nul en vertu de ces mêmes équations (1) : on aura donc simplement

On a d’ailleurs

donc

(5)

équation qui établit une relation entre chaque point de la courbe singulière et le point directeur correspondant.

Si des équations (4) et (5) on tire les valeurs de et pour les porter dans l’équation (2), ou, ce qui revient au même, si l’on élimine et à l’aide des équations (2), (4) et (5), on obtiendra une équation différentielle de l’ordre

sans constante arbitraire, et qui sera une solution singulière de l’équation (3).

Bornons-nous à indiquer une seule application des résultats qui précèdent.

On demande quelle est la courbe jouissant de la propriété que, si est un de ses points, le centre de courbure en ce point, et la position du point auquel on fait faire un quart de révolution autour d’un point fixe, l’on ait une constante

L’équation différentielle du second ordre est

on trouve pour intégrale première

avec

et pour solution singulière

l’intégrale générale représente ici des spirales logarithmiques, la solution singulière des courbes beaucoup plus compliquées.

V. On démontrerait absolument, comme au no I, que, si

sont intégrales premières d’une même équation différentielle et que

en résulte par l’élimination des plus hautes dérivées, cette dernière sera une intégrale d’ordre de l’équation

pourvu que l’on considère comme des constantes assujetties à vérifier l’équation

Dans ce cas, l’équation proposée admet encore une solution singulière, que l’on déterminera par un procédé analogue à celui que nous venons d’employer.


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