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Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Note 02

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NOTE II.

SUR LA DÉMONSTRATION DU THÉORÈME II.


La démonstration de ce théorème (no 5) suppose ces deux propositions, que toute équation peut se décomposer en autant de facteurs simples réels qu’elle a de racines réelles, et que le facteur restant, si le nombre de ces racines est moindre que l’exposant du degré de l’équation, est tel qu’il ne peut jamais devenir négatif, quelque valeur qu’on donne à l’inconnue. La première proposition a été longtemps admise par les analystes comme un résultat de la formation des équations, et d’Alembert est, je crois, le premier qui ait fait sentir la nécessité de la démontrer rigoureusement. À l’égard de la seconde, on pourrait la regarder comme une conséquence de la première mais, pour ne rien laisser à désirer sur la rigueur, il est bon de la démontrer aussi en particulier.

Représentons, en général, par un polynôme quelconque en du degré tel que

Si l’on change en il deviendra et il est facile de voir que la différence de ces deux polynômes semblables sera divisible par car chaque terme du polynôme comme donnera dans la différence les termes or on a, en général, tant que est un nombre entier positif,

donc, réunissant tous les quotients et les ordonnant suivant les puissances de on aura

étant un polynôme en du degré inférieur Ainsi on aura, quelle que soit la quantité

De la même manière, en prenant une autre quantité quelconque on pourra réduire le polynôme à cette forme,

étant un autre polynôme du degré inférieur et ainsi de suite.

Maintenantje remarque que, si l’on a l’équation et que soit une des racines de cette équation, c’est-à-dire une valeur de qui y satisfasse, on aura aussi donc le polynôme sera alors réductible à la forme

et par conséquent divisible exactement par

Si, outre la quantité il y a une autre quantité qui satisfasse à la même équation il faudra que cette quantité, étant prise pour fasse évanouir l’autre facteur et soit, par conséquent, telle que l’on ait Donc le polynôme sera réductible à la forme et, par conséquent, on aura

de sorte que le premier polynôme sera exactement divisible par et par et ainsi de suite.

Si donc l’équation =0 n’a qu’un nombre moindre que de racines réelles on aura d’abord

et le polynôme ne sera plus résoluble en facteurs simples réels. Donc, quelque valeur qu’on donne à ce polynôme ne pourra jamais avoir une valeur négative ; car, s’il y avait une valeur de qui pût le rendre négatif, comme d’un autre côté on peut toujours prendre assez grand pour que le premier terme surpasse la somme de tous les autres, il s’ensuivrait, qu’il y aurait deux valeurs qui, étant substituées pour donneraient des résultats de signe différent, et que, par conséquent, par le théorème I, il y aurait une valeur intermédiaire qui pourrait rendre et qui serait ainsi une racine réelle de cette équation ; donc on aurait alors

et le polynôme aurait encore le facteur réel ce qui est contre l’hypothèse. Ce polynôme sera donc nécessairement d’un degré pair, et son dernier terme sera toujours positif (no 3) ; et le polynôme aura, par conséquent, son dernier terme positif ou négatif, suivant que le nombre des racines positives sera pair ou impair.

Non-seulement le polynôme aura toujours une valeur positive lorsque l’équation n’a aucune racine réelle, mais encore quand elle aura des racines réelles doubles ou quadruples, et en général multiples, suivant un nombre pair ; car alors le polynôme aura des facteurs de la forme étant un nombre pair, et il est visible que cette quantité est toujours positive, quelque valeur réelle qu’on donne à D’où il s’ensuit que le théorème II a encore lieu pour les racines égales, triples, quintuples, etc. Mais, comme on a des méthodes particulières pour les racines égales, il suffit de considérer les racines inégales et d’avoir une méthode pour les trouver.

Au reste, l’esprit du calcul algébrique, qui est indépendant des valeurs particulières qu’on peut donner aux quantités, fait qu’on peut regarder tout polynôme comme formé du produit d’autant de facteurs simples qu’il y a d’unités dans l’exposant du degré de ce polynôme, quelles que puissent être d’ailleurs les quantités ce qui donne cette équation identique

laquelle doit toujours avoir lieu indépendamment de la valeur de .

C’est uniquement dans cette transformation des polynômes que consiste la théorie des équations. On a trouvé différentes relations entre les quantités des facteurs et les coefficients du polynôme, et ce sont ces relations qui constituent les propriétés générales des équations (voir la Note X).

Les facteurs qu’on suppose aux polynômes qui ne peuvent jamais acquérir une valeur négative sont appelés imaginaires', et les quantités de ces facteurs sont les racines imaginaires des équations formées en égalant ces polynômes à zéro ; d’où l’on voit que le nombre de ces racines est toujours nécessairement pair, et que leur produit, qui se trouve égal au dernier terme du polynôme, est toujours positif.


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