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Traité de tératologie de l’homme et des animaux domestiques/Introduction

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TRAITÉ DE TÉRATOLOGIE
de l’Homme et des animaux domestiques

INTRODUCTION


Ce livre procède d’une petit cours autographié qui a servi à l’instruction de nombreuses promotions d’étudiants en médecine vétérinaire. Il en a gardé la concision et la méthode ; mais, sans dépasser les limites d’un traité élémentaire, il a subi les développements que comporte l’extension de son but ; il embrasse en effet l’Homme et les animaux domestiques et vise à intéresser non-seulement les vétérinaires, mais encore les médecins et les naturalistes, c’est-à-dire tous ceux qui s’occupent de biologie.

La Tératologie n’est pas une science de simple curiosité, dont les applications se bornent à la Chirurgie et à l’Obstétrique, c’est une science de culture générale, un complément nécessaire, sorte de contre-épreuve de l’anatomie normale. Celle-ci ne peut être approfondie et donner toutes les satisfactions de la vraie connaissance qu’à la condition d’envisager les individus, normaux et anormaux, non pas seulement d’une seule espéce, mais d’un ensemble d’espèces, et cela dans tout le cours de leur développement, c’est-à-dire d’être comparative et fécondée par l’embryologie et la tératologie. Il n’y a pas d’anomalies dans le sens absolu de ce terme, les êtres qualifiés d’anormaux sont souvent ceux chez lesquels la règle se révèle avec le plus d’éclat et d’évidence ; « les monstres eux-mêmes, comme l’a dit Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, n’échappent pas aux lois générales de l’organisation, ils en subissent l’empire et en prouvent l’universalité. » C’est ce qui donne tant d’intérêt et de profondeur aux études tératologiques. Elles sont un des fondements de ce que Serres appelait l’anatomie transcendante.

Depuis bientôt un demi-siècle que nous avons l’honneur d’appartenir au corps enseignant des Écoles vétérinaires, ces études nous occupent avec prédilection et l’École de Lyon en est devenue un des principaux foyers, où affluent de tous les points de la France les pièces et sujets anormaux que de zélés confrères ont journellement l’occasion de rencontrer dans l’exercice de leur profession, surtout comme accoucheurs. De nombreux travaux en sont sortis, disséminés dans divers périodiques, ainsi que deux livres intéressants dont je suis fier de compter les auteurs au nombre de mes élèves : le Précis de tératologie de L. Guinard, aujourd’hui directeur du sanatorium de Bligny, et les Anomalies de l’Homme et des mammifères de feu L. Blanc. Jusqu’à ces dernières années ces ouvrages avec les traités magistraux d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et de Camille Dareste ont constitué le fonds de la bibliothèque tératologique de langue française. Il s’y est ajouté récemment trois petits volumes des plus instructifs que l’on doit à MM. Rabaud, Dubreuil-Chambardel et Chauvin (voir plus loin) ; mais ils n’envisagent la science qui nous occupe que par certains côtés. Aussi nous a-t-il paru qu’il y avait encore place dans ladite bibliothèque pour un livre classique l’envisageant dans son ensemble, chez l’homme et les animaux, à l’instar du traité d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, mais plus sommaire et plus abondamment illustré.

Bien que nos travaux personnels se rapportent presque exclusivement aux animaux, nous n’avons pas craint de lui donner pour titre « Traité de Tératologie de l’Homme et des animaux domestiques », attendu que les anomalies de l’Homme sont les mêmes que celles des autres mammifères. Il n’y a pas deux tératologies, l’une humaine, l’autre vétérinaire, il n’y en a qu’une. L’identité de la nature physique de l’Homme et des brutes se révèle encore plus par l’anatomie anormale que par l’anatomie normale, à telle enseigne que la distinction d’une tératologie comparée apparaît superflue comme la comparaison de choses identiques. Cela n’enlève rien, au contraire, à l’intérêt d’une étude tératologique embrassant toutes les espèces d’une même classe ; dans toute connaissance approfondie l’unité se découvre de plus en plus sous l’apparente diversité. En pareille matière on ne trouve des différences de quelque importance qu’en passant d’une classe à une autre d’un même embranchement et surtout d’un embranchement à un autre. Or nous nous occuperons dans ce livre, principalement de mammifères, accessoirement d’oiseaux ; nous ne ferons que quelques rares incursions dans le domaine de la tératologie des vertébrés inférieurs et des invertébrés, domaine peu exploré et partant mal connu.

Pour réaliser l’ouvrage que nous avions en vue une abondante illustration était de toute nécessité ; un texte anatomique sans figures est encore moins intelligible qu’une description géographique sans cartes. Là se trouvait la pierre d’achoppement. MM. Vigot, nos éditeurs, ont compris que c’était une condition essentielle de succès et ils ont très libéralement consenti à faire les frais de reproduction de tous les dessins joints à notre manuscrit. Nous les en remercions chaleureusement ainsi que pour les soins qu’ils ont apportés à l’exécution matérielle du volume.

Merci également à M. le professeur Trillat, médecin de la Charité, qui, très obligeamment, a mis à notre disposition la belle collection d’anomalies humaines de cet hôpital lyonnais.

Puisse ce traité élémentaire, essentiellement didactique, faciliter l’initiation et inculquer le goût à une science dont l’importance est trop méconnue, sans doute parce qu’elle ne figure pas dans les programmes officiels de l’enseignement universitaire, moins avancé en cela que celui des Écoles vétérinaires !

F.-X. L.