Une leçon de morale/II/Si la Grèce était délivrée

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SI LA GRÈCE ÉTAIT DÉLIVRÉE

L’ardeur des yeux de ces enfants
Dans le dédale du torrent
Dans le labyrinthe des flammes
Au creux de l’idéal sillon
Où l’épi dore la raison
Où les cinq sens sont impatients

Enfants ces hommes et ces femmes
Le cœur battant dans la verdure
De nature ils sont éblouis
Et leurs paupières sont les rives
Du bon soleil et de l’air pur
Rives d’un peuple printanier

Ils veulent gagner leur pays
Gagner leur vie la rassembler
La gaspiller dans leur pays
Ils joignent l’eau pure et l’ivresse
Leurs mains déduisent des palais
Du tremblement de la lumière

Chaque homme est à construire entier
Chaque vallée à féconder
Chaque arbre à éclairer d’en bas
Demain a l’ardeur du bonheur
Plus personne n’a froid la nuit
Demain sera chaud d’aujourd’hui.



Karayorgis a froid la nuit
Il tombe du haut de ses rêves
La femme de Karayorgis
Est en prison dans son pays
Elle est une branche en hiver
Elle a froid de ne pas dormir

Karayorgis s’est insurgé
Depuis longtemps il a conquis
Les armes comme des bourgeons
Des vieux démons de l’espérance
Et je chante Karayorgis
Je chante l’amour triomphant

Je chante l’immortalité
D’un couple en amour et en armes
Avouons-le ils sont gardés
Par les chansons de leurs amis
Qui savent bien le poids des armes
Ils font un feu très haut très chaud

La faim la soif d’être un sur terre
Neige je t’ai menée aux flammes
Nous sommes sûrs de nous aimer
À tout jamais je vous le jure
Moi qui pourtant suis délaissé
Moi dont l’image est trépassée

Sur le pont noir qui mène à l’aube
Même le sang de solitude
Même le sang lunaire est pourpre
L’amour en sort clair comme un œil
La femme rit l’homme respire
L’amour se reproduit partout

La peur de vivre et de mourir
N’obscurcit pas Karayorgis
N’obscurcit pas notre avenir
Nous caressons toute naissance
Rien n’est secret rien n’est passé
Viens pour m’aider ô toi que j’aime

Et notre toit c’est la durée
Couvrant les promesses d’hier
Et la moisson sème ses graines
Tendresse multiplie passion
Un oiscau s’ouvre un nid s’envole
Deux bouches joignent leur jeunesse.



Si la Grèce était délivrée
Des ennemis de tous les hommes
Si la nacre était dépouillée
De la prison de son écaille
De son linceul opaque et gris
Si la couleur montrait ses seins

Si nous jouions un jeu commun
Dans ce monde qui est à tous
Un jeu de terres sans limites
Un jeu d’azur sans un nuage
L’homme retrouverait son souffle
Ses buts ses sources son climat.



Une étincelle rompt la mort
Une goutte d’eau le désert
La femme de Karayorgis
Au fond des nuits de son supplice
A la confiance d’un enfant

Que nous faut-il de plus pour vivre.