La Ronde du Trouvère/Crépuscule

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A. Siffer (p. 25-30).

CRÉPUSCULE


E lle était à sa fenêtre, très pâle,
Au jardin des lys fleurie,
La noble dame en sa rêverie,
L’ombre de ses cils sur son visage pâle.

Elle était à la fenêtre du manoir,
Au jardin des lys fleurie,
La châtelaine, et sa rêverie
Au ciel clair de son espoir.

Sur la soie pâle de sa vie
Elle brodait la rêverie,
La noble dame, son espoir
D’encore en la fanfare du couchant, le voir !


Il arriva casqué d’or en le soleil
Vers la dame en rêverie,
La châtelaine aux grands yeux vermeils
Qui se levèrent de la broderie.

Il s’en vint sonnant du cor,
Éblouissant, vers le manoir,
Tandis que les vitraux s’allumaient d’or
Et les murs se vêtaient de soir.

« Je t’ai cherchée, ô dame bien aimée,
Pendant des années et des années
À travers les contrées et dans mes pensées
Je t’ai cherchée.

— J’attends beau chevalier, dit-elle,
Depuis des années et bien des années
En rêvant, sur la dentelle,
Du preux qui changera ma destinée.

Et c’est aujourd’hui le dernier jour
Que le soir tombe sur ma peine
Avec l’ombre des grandes tours
Sur l’alentour et dans la plaine. »

Mais c’est un jardin de fleurs fanées
Son âme, aux parterres jonchés de feuilles mortes
Son âme morte !
Aux voix chantantes des jeunes années.

La châtelaine à sa fenêtre, très pâle,
Au jardin des lys fleurie,
A penché la tête, plus pâle,
Sur la broderie.

Le chevalier cuirassé de fer
Levant encore son cor
Sonna si fort aux étoiles d’or
Du ciel clair,

Que las alors et si las
Il s’étendit auprès de la dame,
Tandis qu’avec la sonore voix,
Fraternelles s’en allèrent leurs âmes.