La Ronde du Trouvère/La Mort du Chevalier

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A. Siffer (p. 19-24).

LA MORT DU CHEVALIER


A yant vu s’enfuir la chimère
De foi, de gloire et de splendeur.
Éclose en son âme pure et fière,
Le vaillant chevalier, mon frère,
La croix de l’épée sur le cœur,
Gît sur la colline en fleur.

L’étoile du printemps, la violette,
À moins de charme que ses yeux,
Cristal pur où se reflète
La candeur du grand ciel bleu.
Le pieux chevalier, mon frère,
En grande peine dit sa prière.

C’est le matin frais et fleuri.
Étonné, le silence se penche
Vers le héros étendu, meurtri,

Parmi l’herbe et les pervenches.
Le jeune et brave chevalier,
Mon frère, hélas ! va trépasser.

Le pieux chevalier, mon frère,
En achevant sa prière
À la Vierge recommande son âme.
Lorsque du haut de la colline
Descendit la blanche dame
Par le chemin fleuri d’églantines.

Éblouissante elle vint à lui
Et sur ses lèvres pâlies
Versa le baume béni
D’une douceur infinie
D’hydromel et d’ambroisie,
Et son visage s’épanouit.

Elle voulut lui verser encore
L’électuaire du flacon d’or.
Ah ! dit-il, quelle félicité,
Quelle douceur et quelle ardeur
Je sens descendre dans mon cœur.
Mon cœur d’amour est pénétré.



Elle versa le précieux dictame.
Ah ! dit-il, de quel bonheur
Est liquéfiée mon âme.
Ah ! quel amour et quelle ardeur
Ont étreint mon pauvre cœur.
Je ressens l’extase bénie
Des apôtres et des martyrs,
Plus rien ne me retient ici,
Je vois, devant moi s’ouvrir
Les portes bleues du paradis.

La dame auréolée de lumière
Versa sur les lèvres du chevalier
Le divin électuaire
De son baiser.
Et les yeux du pieux chevalier
D’une extase sainte brillèrent,
Son visage, radieux s’illumina,
Et ne pouvant supporter tel bonheur sur terre
Son âme au ciel monta
Dans un rayon de pure lumière.