La Ronde du Trouvère/Les Aigles

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A. Siffer (p. 47-50).

LES AIGLES



Q uelle nuit étendit sa moire sur leurs ailes ?
Quel noir souterrain se referma sur eux ?
Pourquoi, las de l’azur, les aigles majestueux
Ont-ils fui les caravelles
De blancs nuages flottant au ciel ?

Aveuglés d’ombre, les contemplateurs du soleil
Enveloppés des ténèbres de la terre,
Sur le roc crispent leurs serres
Et sous les voûtes battent des ailes
Pour retourner vers les hautes demeures.

Ô là-bas, quand ils planaient dans l’immensité
De l’espace ! Quand ils passaient,
Les yeux en flammes, dans les profondeurs
De l’Ether, parmi des flottes de soleil,
Tout noirs dans la lave du soleil !


Quand, frissonnants, ils regardaient
Les mondes tournoyer dans l’infini béant.
Et, de leur trône au ciel, qu’ils voyaient
Des planètes précipitées dans le néant
Comme de mauvais anges chassés par Dieu.
Loin de la lumière irradiante,
Tandis que de grands serpents de feu
Passaient annonciateurs de désastres !

Maintenant ayant fui la vue des astres
Et le firmament à la tunique d’or
Et l’éclatant Hélios d’or,
Ils sont tombés dans les antres où la nuit noire
Étend pour jamais sur leurs ailes sa moire.

Et leurs serres griffent les murs,
Et leurs becs frappent le roc dur,
Puis reprenant leur vol, éperdus,
Vers les hauteurs natales perdues,
Vers les vagabondes nues,
Ils se cognent aux voûtes, ils retombent déchus
Ces orgueilleux contemplateurs de l’infini
Terrassés dans le silence et l’angoisse de la nuit