Le catholicisme en Corée, son origine et ses progrès/1

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PREMIÈRE PARTIE
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INTRODUCTION DU CHRISTIANISME EN CORÉE, PREMIÈRES PERSÉCUTIONS.
(1784-1831)


L’INVASION JAPONAISE au 16ème siècle. — En 1592, Hideyoshi, plus connu sous le nom de Taiko-Sama, envoya en Corée une expédition. Son dessein était de s’emparer de la péninsule coréenne et de la soumettre aux lois japonaises. Son armée, forte de 200 000 hommes, eut tôt fait de battre les Coréens, voire même les Chinois, qui étaient accourus à leur secours. Parmi les soldats de l’expédition, on comptait un certain nombre de catholiques. (Il y avait en effet 40 ans que Saint François-Xavier était mort et l’église du Japon était alors très florissante). Le P. Grégoire de Cespédès, Jésuite, fut envoyé du Japon en Corée, afin d’exercer son ministère près des soldats chrétiens. En même temps, il essaya bien à plusieurs reprises de prêcher la doctrine chrétienne aux Coréens, mais son zèle n’eut aucun succès (1594), et l’année suivante, il fut obligé de retourner au Japon. Bientôt d’ailleurs Taiko-Sama, mourant, dut rappeler de Corée toutes ses troupes. L’armée japonaise, durant son séjour sur le sol coréen, avait fait de nombreux prisonniers, qui furent envoyés au Japon comme esclaves. Parmi eux, plusieurs ayant entendu la bonne parole, se convertirent, et lorsqu’aux premières années du 17ème siècle, la persécution éclata, ils tinrent à honneur de partager avec leurs frères japonais la gloire de confesser Jésus-Christ. Leur vie et leur martyre, il est vrai, appartiennent à l’église du Japon, mais par leur naissance, ils sont les prémices de l’église coréenne. Neuf d’entre eux ont leurs noms inscrits sur la liste des 205 martyrs que Pie IX béatifia le 7 Juillet 1867.


PREMIÈRES CONVERSIONS AU CATHOLICISME EN CORÉE (18ème siècle). — On voit, d’après les faits relatés plus haut, que l’évangile ne put être prêché efficacement aux Coréens durant l’invasion japonaise : la situation ne s’y prêtait guère, et les habitants du pays n’étaient pas disposés à écouter un prédicateur d’une religion nouvelle, alors qu’il se présentait à eux à la suite de leurs envahisseurs. Ce ne fut que 2 siècles plus tard que le jour du salut se leva enfin sur la Corée. Voici comment la Providence disposa toutes choses, négligeant cette fois de se servir d’instruments conscients pour la réussite de ses desseins. Car c’est un fait vraiment extraordinaire que cette Église de Corée prenant naissance sans évangélisation directe. C’est le cas de répéter le mot des Saints Livres : « Attingit a fine usque ad finem, et disponit omnia suaviter. » Le roi de Corée était tenu, nous l’avons vu dans l’avant-propos, d’envoyer chaque année à Pékin des ambassadeurs, chargés d’offrir un tribut à l’Empereur. Or, ces envoyés eurent l’occasion, durant leur séjour à la capitale chinoise, de voir les Jésuites en résidence à la cour. Ceux-ci à plusieurs reprises leur donnèrent des livres chinois, composés par eux, livres où il était traité soit des sciences naturelles, soit du catholicisme. Les Annales coréennes mentionnent que, déjà en 1631, un ambassadeur de Corée put se mettre en relation avec ces fameux Jésuites, et au commencement du 17ème siècle, l’ouvrage du Père Ricci « Véritables principes sur Dieu » est déjà connu en Corée.

Les Coréens, gens très curieux et très avides de sciences, ne tardèrent pas à avoir entre les mains plusieurs de ces livres. Les lettrés se les passaient de mains en mains. Un jour plusieurs docteurs coréens célèbres eurent l’idée de se retirer dans la solitude, et de vaquer à l’étude de la philosophie. Parmi eux se trouvaient Ri Tek-tjo, surnommé Pyek-i, c’est-à-dire l’obstiné, Kouen tjyel-sin-i et les deux frères Tyeng Yak-tjyen et Tyeng Yak-yong. Après avoir examiné diverses questions touchant la nature humaine, le ciel, le monde, ils en vinrent à parcourir ensemble les livres chrétiens tombés entre leurs mains. Or, la doctrine qui y était exposée sur la providence de Dieu, sur l’âme, sur les vertus et les vices, leur parut si belle, qu’aussitôt ils se décidèrent à conformer leurs mœurs aux préceptes divins. Ce fait date de 1777. La semence précieuse était déposée. Peu à peu, nous allons la voir germer. Le père d’un ami intime de Pyek-i ayant été nommé ambassadeur, en l’année 1783, son fils, nommé Ri Seung-houn-i, devait l’accompagner. Pyek-i eut tôt fait de se rendre compte du parti admirable qu’il pouvait tirer du voyage de son ami. Vite, il lui fait connaître la doctrine enseignée dans les livres des Jésuites, et il l’engage à profiter de son voyage pour se renseigner à fond sur elle. Celui-ci, surpris et dans l’admiration de ce qu’il entend, promet d’aller interroger les missionnaires. Il fit plus, car, grâce aux entrevues fréquentes qu’il eut avec eux et avec l’illustre évêque de Pékin, Alexandre de Govéa, de l’Ordre des Franciscains, il se décida de suite à embrasser le catholicisme, fut baptisé sous le nom de Pierre, et revint en Corée en 1784, rapportant avec lui des croix, des chapelets, des images et des livres chrétiens.


ÉTABLISSEMENT D’UNE FAUSSE HIÉRARCHIE ECCLÉSIASTIQUE. — Pyek-i se mit avec ardeur à l’étude des livres nouvellement rapportés de Pékin, et bientôt reçut le baptême des mains de Ri Pierre, son ami, qui lui donna le nom de Jean-Baptiste. Mais il ne s’en tint pas là, il voulut se faire l’apôtre enthousiaste de la doctrine nouvelle. Bientôt il réussit à convertir plusieurs de ses compatriotes, aidé qu’il était par Kouen Il-sin-i, baptisé en même temps que lui sous le nom de François-Xavier. Ces conversions se multipliant, certains coréens virent la chose d’un mauvais œil, et essayèrent de soulever une persécution. Le Roi toutefois n’osa sévir. Quelques néophytes cependant eurent à subir divers supplices ; Pyek-i eut même le malheur d’apostasier. Ri Pierre lui aussi eut un moment de faiblesse, mais de suite il se reprit et nous le voyons un peu plus tard animé d’un grand dessein : celui d’instituer en Corée la hiérarchie catholique. Il avait vu à Pékin un évêque, des prêtres, des clercs, il avait assisté au Saint Sacrifice de la Messe, avait vu aussi comment s’administraient les sacrements, il avait d’ailleurs des livres qui traitaient de l’organisation du culte divin ; que leur manquait-il donc à tous ces néophytes, pour avoir un clergé coréen ? Rien, lui semblait-il. Aussi, après plusieurs conférences entre les principaux chrétiens, Kouen François-Xavier est élu évêque, Ri Pierre et quelques autres sont faits prêtres. Tous, dans la bonne foi la plus absolue, ils commencèrent à prêcher, baptiser, confesser, confirmer et célébrer la Messe, excitant grandement la ferveur parmi les fidèles. Il y avait déjà deux ans (1789) qu’ils se livraient ainsi à ce multiple ministère, quand, examinant plus attentivement certains de leurs livrés religieux, il leur vint à l’esprit un doute angoissant sur la validité de leur élection. De suite, ils cessèrent toute fonction sacrée et par lettres ils consultèrent l’évêque de Pékin.


Tombeau de KOUEN François Xavier,
dans le district de Yangkeun. (On aperçoit trois éminences couvertes de gazon, celle du milieu, près de laquelle se tient un descendant de ce martyr, est le tombeau de KOUEN Fr. X.)

Celui-ci, dans sa réponse, tout en les exhortant à persévérer dans la foi, les gourmanda et leur reprocha de s’être témérairement attribué le droit d’exercer des fonctions que seule la Sainte Église avait le pouvoir de concéder par le sacrement de l’ordre. Pour les consoler, il ajoutait qu’il leur était toutefois permis de se livrer au ministère de la prédication, d’enseigner les chrétiens, de convertir et de baptiser les infidèles, œuvres qui ne pouvaient qu’être agréables à Dieu. La réponse épiscopale fut reçue avec grande joie par les coréens, qui de suite se soumirent aux ordres reçus, mais sentant combien la religion qu’ils avaient embrassée, était vide sans la présence du prêtre qui l’anime et lui donne sa vraie force par les sacrements dont il est le ministre et le dispensateur, vite ils envoyèrent à Pékin deux délégués chargés à la fois de demander des missionnaires et d’interroger sur la licéité de certains rites et sur le culte des ancêtres. (1790)

L’Évêque promit qu’un missionnaire partirait bientôt les consoler et les diriger ; en même temps, il les mit en garde contre les superstitions et le culte des ancêtres, leur déclarant que tout cela était illicite. Grande fut la joie des chrétiens en apprenant l’arrivée prochaine d’un prêtre, mais la solution du cas de conscience au sujet des rites fut pour plusieurs la pierre d’achoppement. Ri Pierre lui-même, qui une fois avait en la faiblesse d’apostasier, que nous avons vu poursuivi du saint désir d’établir en Corée la hiérarchie, fut du nombre de ceux qui ne purent se résigner à abandonner la pratique des superstitions en mémoire des parents défunts.


Tombeau de Ri Pierre Seung-houn-i,
Situé à 6 lieues de Séoul, non loin de Chemoulpo. (Ri Pierre est le Coréen qui fut baptisé à Pékin en 1784, et introduisit le christianisme en Corée).


ARRIVÉE DU PRÊTRE CHINOIS Jacques TJYOU. SON MARTYRE. — En 1791 l’évêque de Pékin, fidèle à sa promesse, avait envoyé aux frontières de Corée un prêtre de Macao, le Père Jean Dos Rémédios, mais la persécution venait d’éclater et les fidèles n’avaient pu envoyer personne au rendez-vous fixé d’avance pour l’introduction du missionnaire. Le prêtre, à son grand regret, dut retourner à Pékin. Durant ce temps, à Séoul et dans les provinces, beaucoup de néophytes confessaient le nom de Jésus-Christ dans les tourments et remportaient la palme du martyre. Il y eut toutefois à déplorer plusieurs défections.

Malgré cette persécution, malgré ces apostasies toujours inévitables, le nombre des chrétiens montait à plus de 4 000 en 1794, et la présence d’un prêtre était de plus en plus nécessaire. Jean Dos Rémédios sur ces entrefaites était mort sans avoir pu pénétrer en Corée. C’est un prêtre chinois, le Père Jacques Tjyou, qui fut désigné pour le remplacer. Plus heureux, il put rencontrer les chrétiens venus le guider, et au commencement de 1795 il entrait à Séoul. Avec zèle et ardeur, il se mit à administrer les sacrements, mais sa présence ne tarda pas à être connue. Il n’eut que le temps de se mettre en lieu sûr pour éviter le mandat d’arrestation lancé contre lui par ordre du Roi. Seul, le maître de maison du P. Tjyou et les deux chrétiens qui l’avaient introduits en Corée, furent arrêtés. Tous les trois subirent la mort glorieuse du martyre et leurs corps furent jetés dans le fleuve, situé à une lieue de la capitale. La persécution, qui n’était que locale, s’étant bientôt apaisée, le missionnaire, tout en prenant les précautions les plus minutieuses, put durant cinq ans se livrer avec fruit à l’administration des chrétiens. Ceux-ci, en effet, ne firent qu’augmenter en nombre, et en 1801, ils étaient plus de 10 000. Pour promouvoir la propagation de la foi et se faire aider efficacement dans un ministère trop chargé pour un seul prêtre, il avait fondé la Confrérie de la Doctrine chrétienne. Cette institution excita au plus haut degré la ferveur des fidèles, et produisit des résultats merveilleux. Aussi les chrétiens entretenaient-ils l’espoir de faire triompher enfin la vérité. Malgré l’opposition secrète des Ministres, les conversions se multipliaient, à la capitale surtout. Survint malheureusement la mort inopinée du Roi Tjyeng-tjyong. Son fils et successeur étant trop jeune, une Régence fut établie ; le parti jusqu’alors au pouvoir, et dans lequel surtout s’était propagée la religion catholique, perdit tout crédit et se vit supplanter par le parti adverse, tout dévoué à la Régente, mais ennemi du nom chrétien. Un malheureux incident suffit bientôt pour rallumer la persécution. Une caisse contenant des livres et objets religieux, avec plusieurs lettres du Père Tjyou, fut découverte par les satellites ; d’où grand émoi chez les dignitaires. Les chrétiens furent de nouveau poursuivis, arrêtés, emprisonnés ; le Père, sachant sa tête mise à prix, et désireux de faire épargner ses ouailles, alla se livrer aux juges le 21 Avril 1801. Au tribunal, il défendit éloquemment la foi catholique, et après avoir subi diverses tortures, il fut condamné à mort et exécuté le 31 Mai, jour de la fête de la Sainte Trinité.


MARTYRE DE NOMBREUX CHRÉTIENS. — En cette même année, 300 chrétiens cueillirent tour à tour la palme du martyre. Ce fut la première des quatre grandes persécutions qui ensanglantèrent l’Église de Corée. Nous verrons en effet plus loin quels nombreux martyrs elle inscrivit à son martyrologe en 1839, 1846, 1866 et années suivantes. Il serait trop long de vouloir énumérer les noms de ces vaillants qui confessèrent le nom de Jésus-Christ au cours de cette année 1801. Quelques-uns toutefois méritent une mention spéciale. Quelque temps après la mort du P. Tjyou, fut martyrisée Kang Colombe, femme intrépide et chrétienne exemplaire, qui, plusieurs années durant, et au péril de sa vie, avait donné l’hospitalité au prêtre catholique. Vers la même époque, deux princesses, alliées à la famille royale, et converties par le P. Tjyou, furent condamnées avec leurs esclaves à vider une coupe empoisonnée. À Tjyentjyou, dans le sud de la Corée, deux jeunes mariés, Ryou Jean et Ri Luthgarde, versèrent généreusement leur sang pour la foi. Luthgarde avait fait avant son mariage, le vœu de virginité. Mais en Corée, à cette époque surtout, c’était chose inouïe de ne pas marier une fille. Aussi le P. Tjyou, après mûr examen, avait-il conseillé à Luthgarde de se marier à Ryou Jean, jeune homme animé des mêmes dispositions qu’elle. Ce qui fut fait, et tous deux, lors de leur mariage, firent vœu de virginité perpétuelle. Bientôt après, ils cueillirent la palme du martyre. Luthgarde est restée en grande vénération parmi les chrétiens : elle a écrit dans sa prison des pages d’une délicatesse exquise, et son écrit rappelle en tous points les actes des martyrs de la primitive Église.

À noter, enfin, la mort du célèbre Alexandre Hoang, à la fin de l’année 1801. Cet homme, remarquable par ses talents, avait renoncé au monde pour embrasser la foi chrétienne et seconder le P. Tjyou dans la propagation du christianisme : ce qu’il fit avec un dévouement sans égal. Au début de la persécution, il s’éloigna de Séoul et, réfugié dans une fabrique de poteries à Pairon (province du Tchyoung-tchyeng-to) écrivit de là à l’évêque de Pékin une longue lettre, dans laquelle il faisait le tableau des tribulations de l’église de Corée, et demandait qu’on vînt au secours des fidèles, dût-on pour cela employer la force armée. Cette lettre, qui était datée du 29 Octobre, n’arriva jamais à destination. En effet, un chrétien, nommé Hoang Thomas, qui était venu se concerter avec Alexandre et s’était engagé à envoyer la lettre à Pékin, fut tout à coup arrêté le 2 Novembre. Le 5 Novembre suivant, les satellites découvrirent la cachette d’Alexandre Hoang, qui fut arrêté lui aussi. On ne sait au juste qui était porteur de la lettre au moment de l’arrestation. Alexandre l’avait-il déjà confiée à Hoang Thomas, ou bien, comme le raconte le P. Dallet dans son histoire de l’Église de Corée, l’avait-il encore sur lui ? Ce point n’a jamais été complétement éclairci. Ce qu’il y a de certain, c’est que la lettre tomba en ce temps-là aux mains du gouvernement, et sa lecture jeta l’épouvante à la cour ; dans un projet chimérique en somme et qui n’avait été conçu que par trois ou quatre chrétiens, on vit un complot organisé par tous les catholiques pour appeler les Européens à leur secours. N’en avait-on pas une preuve authentique ? Aussi les prisonniers furent-ils traités en criminels d’État. Déclarés coupables de lèse-majesté divine et humaine, ils furent décapités et coupés en six morceaux, le 29 Novembre 1801.

Longtemps les chrétiens coréens ne purent comprendre les accusations que dès lors le Gouvernement ne cessa de lancer contre eux : ils étaient unanimes à voir dans ces imputations une calomnie odieuse, inventée par les juges. Les missionnaires eux-mêmes n’ont pu savoir ce qu’il en était que bien longtemps après, quand ils purent obtenir une copie authentique de cette fameuse lettre. Quant à l’original, il fut conservé comme pièce à conviction dans les archives de la Préfecture de Séoul. Il y a 30 ans environ, ces archives furent dispersées, et Mgr. Mutel, par un heureux hasard, put obtenir ce précieux document. Écrit sur une pièce de soie, qui mesure 62 centimètres de long sur 38 de large et pèse 16 grammes, il est très bien conservé. C’est d’ailleurs une merveille de calligraphie et de micrographie, quand on pense que, sur un pareil espace, l’artiste a pu écrire 121 lignes, comprenant chacune en moyenne 110 caractères, ce qui fait plus de 13 000 caractères en tout. Le seul fait que sa copie en caractères chinois ordinaires forme une brochure d’une cinquantaine de feuillets (format in-8), suffit pour donner une idée de ce qu’est ce travail de patience. Quand l’original fut remis à Mgr. Mutel, il y était joint un autre document, également sur soie, mais d’une espèce différente, portant un texte écrit avec des caractères plus grands, et ne donnant que quelques passages de la lettre d’Alexandre Hoang. À la fin de ce second document, figure une note qui semble indiquer qu’il s’agit d’une copie ou extrait de la lettre, et que cette copie a été envoyée à Pekin et en est revenue l’année suivante (1802). Vraisemblablement la cour coréenne avait des raisons particulières de ne pas communiquer tout ce qui figurait sur l’original. Aussi avait-elle cru bon de n’en faire copier que certains passages. Il est faux d’autre part, comme on l’avait longtemps cru et comme le rapporte le P. Dallet dans son histoire de l’Église de Corée, que cette lettre ait été écrite avec de l’encre sympathique : elle fut tout simplement écrite au pinceau et à l’encre de Chine, et les caractères sont restés jusqu’à ce jour d’une lisibilité étonnante.


ÉDIT ROYAL CONTRE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
(25 Janvier 1802)

Les ennemis de la religion, peu satisfaits que plusieurs personnages importants parmi les néophytes eussent été seulement exilés, présentèrent une requête à la régente, demandant la mort de tous les coupables et la confiscation de leurs biens. Le gouvernement n’y répondit pas. Plusieurs fois ils revinrent à la charge, mais le jeune roi, mis au courant, fit alors défense absolue de revenir sur les jugements rendus, et de faire désormais de nouvelles démarches pour obtenir leur révision. Dès ce moment la persécution cessa peu à peu, et l’ordre fut donné de ne plus faire de nouvelles poursuites, mais en même temps, (et la chose est bien orientale) les ministres firent préparer une proclamation royale, sous forme d’instruction au peuple, et qui était surtout une apologie de leur conduite, aussi bien qu’une condamnation de la religion chrétienne. Cette pièce officielle est un document des plus importants dans l’histoire de l’église coréenne, puisqu’elle fut regardée pendant 80 ans comme loi fondamentale de l’État, parce qu’elle a fixé la législation contre les chrétiens, et ce ne fut que lors des traités conclus avec les Puissances en 1882 et années suivantes, qu’on cessa d’en tenir compte, sans qu’elle fut toutefois jamais rapportée officiellement. Sans doute, cette loi de proscription fut appliquée avec plus ou moins de vigueur selon les circonstances, mais chacune des persécutions qui suivirent, a été motivée par elle.


L’ÉGLISE DE CORÉE SANS MISSIONNAIRES PENDANT 30 ANS. — Le Père Tjyou une fois disparu, la Corée resta sans pasteur pendant une trentaine d’années, et c’est un vrai miracle que la persévérance dans la foi montrée par la plupart de ces néophytes, alors qu’ils étaient privés de tous les secours spirituels de l’Église. Les années 1815, 1817 et 1825 furent marquées ici ou là par le martyre et le triomphe de plusieurs confesseurs de la foi. À plusieurs reprises, durant ce long espace de temps, les chrétiens coréens essayèrent d’attirer sur leur détresse l’attention de l’évêque de Pékin, et des Souverains Pontifes Pie VII et Léon XII. Hélas ! l’évêque de Pékin ne pouvait plus rien pour eux : il était mort en 1808, son Coadjuteur n’avait jamais pu obtenir la permission d’entrer dans la ville impériale et avait succombé à Macao en 1818. Depuis lors, c’était l’évêque de Nankin qui de loin gouvernait cette église, elle-même troublée par contre coup par les événements d’Europe. Pie VII, lui, avait reçu la lettre des catholiques coréens, alors qu’il était en prison à Fontainebleau, et n’avait pu que pleurer et prier pour ses fils éprouvés. Léon XII reçut en 1827 la deuxième lettre adressée au Saint Siège par les néophytes de Corée. Cette fois, cette démarche amena un heureux résultat, comme nous allons le voir par après.