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DICTIONNAIRE DES APOCRYPHES.

pose son chapitre xxiv avec les quatre preiniers versets du même chapitre de Laurence (le partageant en six), et les versets 5 à 11 de ce chapitre forment son chapitre xxv ; le chapitre XLVIII revient deux fois chez Laurence, mais du second d’entre eux, Dillmann fait son chapitre XLIX. Le chapitre LVIII de l’édition anglaise se trouve correspondre au chapitre LX de l’édition de Tubingue. La division du reste du livre se trouve aussi sujette à des changements qu’il serait inutile de mentionner en détail, mais de tout ceci il résulte que si l’on cite le travail de M. Dillmann, on renvoie à des passages qu’on ne trouvera pas dans l’édition de Laurence.

La critique sévère de l’orientaliste allemand le conduit à rejeter divers endroits comme étant l’œuvre d’une main étrangère. Il qualifie d’interpolations le passage qui s’étend du chapitre LIV, 7, au chapitre LV, 2, et qui mêle à une description du déluge des détails sur le jugement qu’exercera le Messie. Les chapitres LXIV à LXIX, où Noé prend la parole, paraissent aussi à M. Dillmann une addition faite après coup.

Les opinions des savants sont loin de concorder à l’égard de l’époque où le livre d’Enoch a été rédigé. Laurence et Hoffmann croient pouvoir lui assigner le commencement du règne d’Hérode le Grand, et Gfrærer partage le même avis. E. Krieger (Beyträge zur kritik und exegese, 1845)et Luecke (Einleitung zur Offenbarung des Johannes, 1848) pensent que ce livre se compose de diverses portions écrites à des époques différentes. Par exemple, les chapitres à xxxvi et LXXII à CVIII, au commencement de la guerre des Machabées, les chapitres xXXVII à LXXI, lans la période comprise entre les années 38-34 avant l’ère chrétienne. M. Silvestre de Sacy et Luecke (ouvrage cité, 1" édition, 1832) ont cru trouver dans le livre d’Enoch des traces de la doctrine chrétienne et des allusions à la destruction de Jérusalem, (Luecke est ensuite revenu sur cette opinion qu’il a déclaré peu fondée) ; Hoffmann (Zeitschrist der deutschen morgenl. Geselschaft, t. VI, p. 87) pense qu’il a été composé quelque temps après les victoires de Titus sur les Israélites. Un autre critique, Boettcher, est d’avis que le livre d’Enoch, de même que les Oracula sibyllina, a été formé au premier et au second siècle de fragments composés à diverses époques et attribués à Enoch ; il n’y rencontre pas de vestiges du christianisme. M. Dillmann, après avoir examiné avec soin la question de la date, supFose que l’ouvrage a dû être écrit vers l’an 150 avant l’ère chrétienne ; M. Ewald (Histoire (en allemand) du peuple d’Israël, t. III, part. i, p. 397-401), avait penché pour l’an 130.

On ne saurait douter que ce livre naît été composé par un habitant de la Palestine, lequel avait peut-être pris part aux guerres des Machabées. Il connaissait bien la topographie de Jérusalem ; ses opinions sont bien celles des Juifs de la Palestine à cette époque ; on ne rencontre point chez lui de traces de l’influence grecque. Il n’est pas douteux qu’il n’ait écrit en hébreu ou en hébreu araméen ; c’est à ce dialecte qu’il faut rapporter les noms (en grand nombre) des anges[1] qu’il mentionne ; il était très-versé dans la connaissance des livres saints ; il leur emprunte une foule d’expressions et d’images.

L’idée s’est produite que l’auteur appartenait à la secte des Esséniens[2]; elle a été défendue par Jellineck (Zeitschrift der deutsch. morgenl. Geselschaft, t. VII, p. 249.) On sait que ces sectaires faisaient du monde angélique un grand objet de leurs préoccupations ; ils regardaient comme un devoir d’apprendre les noms des anges et de conserver les écrits qui en gardaient le souvenir. (JosÈPHE, Bell. Judaico, II, 8.) Quelques principes répandus dans le livre d’Enoch, tels que la réprobation de la parure, du luxe, des distinctions honorifiques, se rattachent à l’austérité dont les Esséniens faisaient leur signe distinctif ; toutefois, les idées que l’auteur exprime au sujet du règne du Messie ont un caractère terrestre et grossier, étranger à la doctrine des Esséniens, et leur système d’interprétation allégorique de l’Écriture ne se manifeste pas.

Fabricius (Codex Vet. Testam., t. I, p. 223) a réuni les passages des Pères qui font inention du livre d’Enoch ; il y aurait un travail plus long et plus difficile à faire ; il faudrait signaler chez les anciens auteurs ecclésiastiques les nombreux emprunts qui lui ont été faits sans le nommer. Önjugerait alors de l’influence occulte mais réelle qu’il a exercée sur les imaginations.

Dès le IV siècle, l’Église latine cesse de s’en occuper ; on en trouve encore des traces, un peu plus prolongées dans l’Église grecque.

Quoique le texte hébreu fût perdu depuis
  1. Ces noms étaient employés d’une manière superstitieuse ou dans des intentions de sortilége ; le concile de Laodicée (canon 35) défend de nommer les anges.
  2. La secte des esséniens paraît avoir surgi à l’époque d’Alexandre le Grand ; ceux qui l’embrassèrent se faisaient remarquer par l’austérité de leurs principes ; ils vivaient pour la plupart dans le célibat, mêlant au judaïsme des idées empruntées aux doctrines de Pythagore et à celles de l’Orient. Ils virent s’élever dans leur sein les thérapeuthes qui se consacraient à la contemplation et vivaient dans la solitude ; ils finirent par adopter le système des émanations et les autres rêveries des gnostiques. Voy. Fabricius, Biblioth. græc., IV, 738 ; Brueker, Hist. philosophiæ, 1, 779 ; C. A. Bael, Dissert, Essiros Pythagorisantes delineatura, Upsal, 1746, 4 : Ugolini, Dissert, de tribus sectis Judæorum, dans le Thesaurus antiquit. Hebraic. (Venise, 1744-69, 34 vol. in-fol.) t. XXil ; J. Souer, De Essenis et therapeutis disq., Breslau, 1829, 4°; Bellermann, Geschiechtliche nachrichten A. D. Altherthuemer ueber die essaer und therapeuten, Berlin, 1821, 8°; Beer, Histoire (en allemand) et doctrines des principales secles chez les Juifs (Brunn, 1822, 2 vol. 8°), t. I, p. 68-113.