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DICTIONNAIRE DES APOCRYPHES.

été imprimée. Il copia tout ce morceau précieux, et le publia dans ses notes à la chronique d’Eusèbe(243). Cependant comme ce fragment ne contenait point le passage cité par saint Jude, on doute encore si l’apôtre avait voulu parler de l’ouvrage dont George Syncelle avait conservé un fragment, ou s’il avait fait seulement allusion à des prophéties d’Enoch, qu’il aurait connues par une autre voie.

Depuis la découverte de Scaliger, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; cependant il faut le dire, on n’a fait que peu de progrès, si toutefois l’on en a fait dans la route où nous entrons nous-mêmes..

Fabricius dans son Codex pseudographus Veteris Testamenti (vol. I, p. 160-224[1], a exposé tout au long, les différentes opinions des Pères sur ce livre fameux entre les apocryphes, et nous a conservé toutes les citations qu’ils en ont faites ; il a rappelé aussi toutes les conjectures des modernes sur le même sujet, et a terminé son travail par la reproduction intégrale du fragment conservé par George Syncelle.

Mais quoique l’exemplaire de ce livre, qui n’est peut-être que la traduction d’un texte hébreu ou chaldéen, semble avoir été irrévocablement perdu, cependant on croyait encore au xvi siècle, qu’il existait en Abyssinie une version éthiopienne du même ouvrage. Ludolf, dans son Commentaire sur l’histoire de l’Éthiopie, remarque qu’un traité éthiopien qu’on croyait être le livre d’Enoch, avait été cédé par le gouvernement égyptien, et acheté par Peiresc. Voici ses propres expressions : Gassendus in vita Peireskii, de Egidio Lochiensi capucino, qui in Egypto septennium egerat, inter alia scribit : Quandoquidem inter cætera animadvertisse se dixit Mazakpha Enoch, seu prophetiam Enochi, declarantem ea, quæ ad finem usque sæculi eventura sunt ; librum Europa pridem invisum, illic autem charactere ac idiomate Ethiopico seu Abyssenorum, apud quos is fuerat servatus, conscriptum : ideo Peireskius sic fuit accensis ejus quoque pretio comparandi studio, ut nullis parcens sumptibus, ipsum denique sui fecerit uris. En conséquence de ces renseignements, ajoute-t-il, il fut engagé par de savants amis, à user de tous les moyens en son pouvoir pour se procurer au moins un exemplaire d’un livre, au sujet duquel on avait jusqu’ici discuté d’une manière si peu satisfaisante, pour déterminer d’une manière précise, si cet ouvrage avait jamais existé, ou enfin, en admettant son existence, pour juger sa valeur et son autorité. Ludolf n’épargna en effet, ni son temps, ni ses peines, ni même les dépenses pour se procurer cet exemplaire désiré. Igitur, dit-il, et ego nullis neque sumptibus, neque laboribus peperci, donec specimen istius libri adipiscerer. Maître de ce trésor, et pour sa propre satisfaction, il vint à Paris, où se trouvait cet ouvrage, déposé à la Bibliothèque royale ; il le collationna entièrement avec son propre exemplaire ; mais le résultat de ce travail fut que, le texte éthiopien dont on avait parlé n’était pas, quoi qu’on en ait pu dire, le livre d’Enoch, mais un traité tout à fait différent, plein de fables et de superstitions[2].

Après ce désappointement de Ludolf, on abandonna tout à fait l’idée que le livre d’Enoch existait dans une versión éthiopienne, et l’on cessa de s’en occuper, jusqu’à co qu’enfin vers la fin du dernier siècle, le célèbre anglais Bruce, non-seulement prouva son existence, mais encore apporta avec lui d’Abyssinie, trois exemplaires de cet ouvrage. Voici la manière dont il nous raconte lui-même qu’il disposa de ses exemplaires : « Parmi les objets curieux, dit-il, que je déposai à la Bibliothèque royale, se trouvait un magnifique exemplaire des prophéties d’Enoch, grand in-quarto ; un autre exemplaire se trouve parmi les livres de l’Écriture que j’ai apportés en Angleterre ; le livre d’Enoch vient immédiatement après celui de Job, c’est sa véritable place dans le canon abyssinien. Enfin j’en ai offert un troisième exemplaire à la Bibliothèque d’Oxford, par l’intermédiaire du docteur Douglas, évêque de Carlisle[3]. » Et plus bas, il ajoute : « Je me rappelle que lorsqu’on sut en Angleterre que j’avais fait hommage d’un de ces exemplaires à la Bibliothèque du roi de France, sans me donner le temps de revenir à Londres, et de donner à mies savants compatriotes la liberté de parcourir à loisir l’exemplaire de ce livre, que le docteur Woide partit pour Paris, avec des lettres du secrétaire d’Etat pour lord Stortmont, ambassadeur d’Angleterre en France, le priant d’aider le savant docteur à se faire communiquer le manuscrit que j’avais donné à la Bibliothèque, et de lui obtenir, au besoin, la permission de Sa Majesté Très-Chrétienne ; la permission fut immédiatement accordée, une traduction fut immédiatement faite du manuscrit, mais je ne sais pourquoi, elle n’a jamais été publiée[4].

Quoi qu’il en soit, quelle qu’ait pu être la curiosité du public et son impatience sur ce sujet, à l’époque dont parle M. Bruce, elle semble s’être depuis longtemps bien apaisée. Quant à l’exemplaire déposé dans la bibliothèque d’Oxford, il dormait d’un profond sommeil, jusqu’au jour où le docteur Laurence se hasarda à troubler son tranquille repos, et à en donner une nouvelle traduction. Il n’épargna pour cela ni son temps, ni sa peine, pour la rendre aussi parfaite que possible ; mais comme les statuts de la bibliothèque d’Oxford s’opposent à ce qu’on
  1. Dans les pages 222, 223, Fabricius cite plus de vingt auteurs qui avaient plus ou moins fait al-. Juston à ce livre.
  2. Commentarius ad Histor. Æthiopicam, pag. 317.
  3. Travel, vol. II, pag. 422, 8e édit.
  4. Travel, vol. III, pag. 425-59.