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DICTIONNAIRE DES APOCRYPHES.

sa- M. de Sacy, dans une Notice du livre d’Enoch, publiée dans le Magasin encyclopédique, ann. vi, tom. I, p. 382, a gratifié le públic de la traduction latine des trois premiers chapitres, de tous ceux qui se trouvent entre le onzième et le seizième inclusivement, et enfin des vingt-deuxième et trente-deuxième chapitres, le tout d’après le manuscrit de Paris.

Nous savons aussi que le docteur Gésénius de Halle, en Saxe, avait aussi, pendant son séjour à Paris, transcrit le manuscrit en entier, se proposant à son retour de publier le texte éthiopien avec une traduction latine[1].

Après avoir examiné en elle-même la source où le docteur Laurence a puisé pour faire sa traduction, à laquelle nous avons emprunté la nôtre, nous croyons que c’est le moment favorable pour apporter la preuve que la version éthiopienne du livre d’Enoch, contient précisément le même ouvrage que la version grecque que connaissaient sans doute les Pères. En effet, si l’on compare la descente des anges dans l’éthiopien, avec le même récit dans le fragment que nous a conservé George Syncelle, il sera impossible de soulever aucun doute à cet égard. Les variantes, s’il en existe, ne seront considérées que comme purement accidentelles. Or cette confrontation suffit, ce semble, pour établir le fait dont il s’agit. Ce n’est pas tout cependant, et les nombreuses relations que nous trouvons, dans les Pères, établissent le même point presque à l’évidence.

Saint Irénée, qui vivait au second siècle, fait manifestement allusion à l’ambassade d’Enoch vers les anges, ce qui ne se trouve point dans le fragment consacré par George Syncelle : Sed et Enoch, dit-il, sine circumcisione placens Deo, cum esset homo, legatione ad angelos fungebatur, et translatus est, et conservatur usque nunc testis justi judicii Dei ; quoniam angeli quidem trangressi deciderunt in judicium ; homo autem placens, translatus est in salutem[2]. Or, le récit de cette mission d’Enoch se trouve dans les quatorzième et quinzième chapitres de la présente édition.

Tertullien, qui écrivait vers le même siècle, fait une citation directe du chapitre 97, v.7, 8 : Et rursus juro vobis, peccatores, quod in diem sanguinis perditionis justitia parata st. Qui servitis lapidibus, et qui ima gines facitis aur as, et argenteas, et ligneas, et lapideas, et fictiles, servitis phantasmatibus e dan oniis, et spiritibus infamibus, et omnibus erroribus non secundum scientiam, nullum ab iis in enietis auxilium[3]. Et voici maintenant comment s’exprime le texte éthiopien : Je vous déclare donc, ô pécheurs, que vos crimes sont remis au jour de sang qui ne finira point. Ils ont prostitué leurs hommages aux pierres, aux statues d’or, d’argent et de bois. Ils ont adoré d’impurs esprits, des démons, des idoles, au milieu de leurs temples ; mais c’est en vain qu’ils demanderont secours à ces dieux mensongers. Il est impossible de ne pas reconnaître une ressemblance parfaite entre ces deux passages ; les seules différences ne proviennent évidemment que du caprice et du laisser-aller de la traduction.

À ces témoignages, je n’en ajouterai qu’un seul, celui d’Anatolius, évêque de Laodicée, cité par Eusèbe. Ce fait, dit-il, c’est-à-dire que, chez les Juifs, le premier mois de l’année tombait vers le temps de l’équinoxe, ce fait se démontre encore par les instructions contenues dans Enoch[4], et il s’appuie sur le récit du commencement de l’année, à la quatrième porte, dans le chapitre 71, v. 2. Son argument tend à prouver que le premier mois de l’année arrivait à l’équinoxe du printemps.

Mais qu’est-il besoin d’autres témoigna ges ? la ressemblance entre notre texte et le fragment consacré par Georges Syncelle est trop frappante pour ne pas la reconnaître de suite. Nous ajoutons de plus que les plus anciens commentateurs ne permettent pas de douter que le livre d’Enoch, existant


    que nous avons sur le continent. Ce livre est d’un très-haut intérêt, et c’est sans doute la version d’un texte grec depuis long-temps perdu, mais qui doit avoir existé avant l’âge de Notre-Seigneur et les temps apostoliques. Kircher a donné au public quelques fragments de texte grec. (Ed. Egypt., vol. II, pag. 69.)
    Quant au sujet du livre, c’est une suite de visions relatives à la chute des anges, à leur postérité de géants, les crimes qui amenèrent le déluge, les mystères du ciel, la place du jugement dernier des hommes et des anges, les diverses parties de l’univers que possédait Enoch, et dont il fait la description à son fils Mathusala. Sans doute la narration est un mélange de rêveries et de récits fabuleux, mais elle est pleine d’un sentiment profond et d’un ca ractère d’enthousiasme spéculatif qui rappelle celui de la philosophie chaldéenne et de l’histoire sacréc des Juifs (Cette observation nous paralldénuée de fondement.). De plus, il mérite le plus grand respect comme monument littéraire de l’antiquité ; enlin, comme livre éthiopien, écrit dans le goût le plus pur, et vénéré par les Abyssiniens à l’égal des écrits de Moïse parmi nous, il est digne d’être offert à l’appréciation éclairée du public.

  1. Voy. la préface de la 3e édit. de Laurence.
  2. Opera, pag. 519, éd. Grabe.
  3. Opera, pag. 87, éd. Paris, 1664. Au lieu du mot infamibus, Rigault propose les variantes suivantes : In cod. Fulvii Ursini legitur insanis. At in cod. Agobardi infanis. Peut-être la véritable leçon est-elle in fanis, dans leur temple, comme le porte la version éthiopienne.
    Telle était aussi sans doute la leçon des deux manuscrits dont parle cette note ; et Rigault se trompe certainement en prenant un ƒ pour un s dans le premier exemple, en en substituant un m là place d’un n dans le second cas. On sait que ces lettres sont habituellement omises dans les manuscrits, et qu’elles sont indiquées par une ligne horizontale placée au-dessus du mot.
  4. Τὸν πρῶτον παρ' Εβραίοις μηνὰ περὶ ἰσημερίαν εἶναι, παραστατικὰ καὶ τὰ ἐν τῷ Ενώχ μαθήματα. Ecclesiasi. Hist., lib. vii, cap. 32, p. 287. L’ouvrage d’Anatolius cité ici fut écrit, selon Eusèbe, en 270. (Voy. Tillemont, Mémoires d’llist. eccles., vol. IV, pag. 127.)