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PART. I. — TEXTES DE L’ANCIEN TESTAMENT. — LIVRE D’ENOCH.

plusieurs siècles après le naissance du Christ, ne soit la même source où l’apôtre saint Jude a puisé sa fameuse citation. Jud. 14 seq.) L’endroit de l’ouvrage, il est vrai, n’est pas désigné, parce que, comme le livre d’Enoch était, à cette époque, parfaitement connu, une indication expresse paraissait inutile. Cependant le passage textuel se retrouve dans le manuscrit éthiopien, dans celui de la bibliothèque d’Oxford, et se trouve à la fin du chapitre 2 dans celui de Paris. C’est le dernier verse ! du premier chapitre. Cependant, en admettant que le livre en question est précisément le même que celui qui était connu de saint Jude et des Pères de l’Eglise chrétienne, vous ne devez pas conclure qu’il fut, même à cette époque, revêtu d’un caractère d’autorité canonique. Il semble au contraire avoir été, de son temps, rangé parmi les livres apocryphes. C’est ainsi que nous les représentent expresséiment les constitutions apostoliques[1]. Saint Irénée, il est vrai(25), et Clément d’Alexandrie[2], dans le second siècle, citent cet ouvrage, sans mentionner son caractère apocryphe ; mais Origène, au commencement du troisième siècle, affirme expressément que l’Eglise ne le considère point comme une production inspirée : 'Ey ταῖς ἐκκλησίαις οὐ πάνυ φέρεται ὡς θεία[3]. Cependant, il faut le dire, dans un autre endroit il avoue qu’il était regardé par quel ques-uns comnie canonique ; il fait en effet en le citant cette remarque hypothétique : Si quelques-uns se plaisent à le recevoir comme un livre sacré : Εἶ τῳ φίλον παραδέχεσθαι ὡς ἅγιον τὸ βιβλίον[4]. Dans la synopse de l’Ecriture, publiée avec les œuvres de saint Athanase, le livre qui nous occupe est aussi rangé parmi les apocryphes. Et saint Jérome, qui en parle plus d’une fois, ne le considère jamais autrement : Manifestissimus liber est, dit-il dans son Commentai-, re, au psaume cxxx, 3, et inter apocryphos computatur, et veteres interpretes de isto locuti sunt, nonnulla autem nos diximus, non in auctoritatem, sed in commemorationem. Saint Augustin s’exprime de la même manière[5]; et enfin, dans le catalogue de Nicéphore, patriarche de Constantinople, écrit au commencement du neuvième siècle, le livre d’Enoch est classé parmi les livres apocryphes.

Cependant, bien que ni la Synagogue, ni l’Eglise chrétienne n’aient admis ce livre dans le canon des Ecritures, un célèbre écrivain du second siècle[6] ne craint pas de le regarder à la fois comme un ouvrage inspiré, et comme l’œuvre du patriarche dont il porte le nom. Tertullien, dans son Traité de l’idolatrie, dit positivement : Hæc igitur ab initio prævidens Spiritus sanctus, etiam ostia in superstitionem ventura præcecinit per antiquissimum prophetam Enoch (260, affirmant ainsi l’inspiration divine et l’attribuant au prophète Enoch. Toutefois, le même Père, dans son Traité De cultu feminarum, après avoir fait allusion[7] au commerce des anges avec les filles des hommes, et au châtiment qui en fut la conséquence, avoue que ce livre n’est pas admis par tout le monde dans le canon des Ecritures : Scio, dit-il, scripturam Enoch, quæ hunc ordinem angelis dedit, non recipi a quibusdam, quia nec in armarium Judaicum admittitur. Opinor, non putaverunt illam ante cataclysmum editam ; post eum casum orbis, omnium rerum abolitorem, salvam esse potuisse. Si ista ratio est, recordentur pronepotem ipsius Enoch fuisse superstitem cataclysmi Noe, qui utique domestico nomine et hæreditaria traditione audierat et meminerat, de proavi sui penes Deum gratia, et de omnibus prædicatis ejus ; cum Enoch filio suo Mathusalæ nihil aliud mandaverit, quam ut notitiam eorum posteris suis traderet. Igitur sine dubio poluit Noe in prædicationis delegatione successisse, vel quia et alias non tacuisset, tam de Dei conservatoris sui dispositione, quam de ipsa domus suæ gloria. Hoc si non tam expedite haberet, illud quoque assertionem scripturæ illius tueretur ; perinde potuit abolefactam eam violentia cataclysmi, in spiritu rursus reformare ; quemadmodum et Hierosolymis Babylonia expugnatione deletis, omne instrumentum Judaicæ litteraturæ per Esdram constat restauratum. Sed cum Enoch eadem scriptura etiam de Domino prædicarit, a nobis quidem nihil omnino rejiciendum est, quod pertinet ad nos. Et legimus omnem, scripturam ædificationi habilem divinitus inspirari. A Judæis potest jam videri propterea rejecta, sicut et cætera fere, quæ Christum sonant. Nec utique mirum hoc, si scripturas aliquas non receperunt de eo locutas, quem et ipsum coram loquentem non erant recepturi. Eo accedit, quod Enoch apud Judam apostolum testimonium possidet[8].

. De ce passage de Tertullien il résulte, qu’à l’époque où il vivait, c’est-à-dire vers la fin du second siècle, le livre d’Enoch n’était pas universellement rejeté, comme

  1. Lib. vi, cap. 16.
  2. Opera, edit. Sylburgii, pag. 801, 808.
  3. Contra Celsum, pag. 267, ed. Spencer.
  4. In Joannem, pag. 52, edit. Huetii.
  5. De Civitate Dei, lib. xx, cap. 23.
  6. Hody, De bibl. textibus, pag. 646.
  7. ‹ Nam et illi qui ea constituerunt, damnati in pœnam mortis deputantur : illi scilicet angeli qui ad filias hominum de cœlo ruerunt , ut hæc quoque ignominia feminæ accedat. Nam cum et materias quasdam bene occultas et artes plerasque non bene revelatas sæculo multo magis imperito prodidissent (si quidem et metallorum opera nudaverant, et herbarum ingenia traduxerant, et incantationum vires promulgaveraut, et omnem curiositatem usque ad stellarum interpretationem designaverant) proprie et quasi peculiariter feminis instrumentum istud muliebris gloriæ contulerunt : Lumina lapillorum, quibus monilia variantur ; et circulos ex auro, quibus brachia arctantur ; et medicamenta ex fuco quibus lanæ colorantur ; et illum ipsum nigrum pulverem, quo oculorum exordia producuntur. (Opera, t. 1, Migne, col. 1305.
  8. Opera, ibid., 1307,