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DICTIONNAIRE DES APOCRYPHES.
REMARQUES DE DOM CALMET SUR LE III LIVRE D’ESDRAS.

I. Sentiment de l’Église touchant le troisième livre d’Esdras. Motifs de ceux qui reçoivent ce livre, ou le regardent même comme canonique. — II. Sentiment de l’Église latine touchant ce même livre. Motifs de ceux qui le rejettent ou le regardent comme apocryphe. — III. Quel est l’auteur de ce livre. — IV. Indication ou analyse de ce qu’il offre de plus remarquable. — V. Jugement que l’on peut porter de ce livre.

I. L’Église grecque ne convient point avec la latine sur l’authenticité du IIIe livre d’Esdras ; les Grecs ont conservé ce livre dans leur canon, et l’ont mis même avant celui qui passe chez nous pour le Ier d’Esdras. Les exemplaires grecs les plus anciens et les plus estimés, comme celui de Rome, mettent d’abord celui que nous appelons le IIIe d’Esdras, puis Néhémias, et en troisième lieu celui qui est le I d’Esdras dans nos Bibles latines. Il est vrai que quelques éditions grecques[1] mettent à part le III livre d’Esdras et le rejettent après le Cantique des trois jeunes hommes dans la fournaise, lequel, dans ces éditions, se trouve détaché de la prophétie de Daniel, où ce cantique est communément placé. Dans d’autres éditions grecques[2], on ne lit point du tout le IIIe livre d’Esdras. Mais ce qui est incontestable, suivant la remarque de Sixte de Sienne[3], c’est que les Pères grecs ont tenu pour canonique le IIIe d’Esdras, et l’ont mis avant Néhémias.

Les anciens manuscrits, et les éditions latines non plus que les grecques ne sont pas uniformes sur cet article. Nous avons quelques manuscrits[4], où l’on trouve tout de suite le Ier livre d’Esdras, Néhémias, et le IIe d’Esdras ; car c’est ainsi qu’ils intitulent celui que nous appelons le IIIe. Dans d’autres manuscrits on ne trouve pas le IIIe livre d’Esdras, mais seulement le Ier d’Esdras et Néhémias. D’autres manuscrits plus anciens, cités dans la nouvelle édition de saint Ambroise[5], sont encore bien plus éloignés de nos éditions latines. Dans une très-ancienne Bible de Saint-Germain des Prés, après avoir mis tout de suite et ensemble sans distinction, les deux livres canoniques d’Esdras, on a placé immédiatement l’histoire des trois gardes du corps de Darius, et du problème qu’ils proposèrent à ce prince ; après quoi on trouve le commencement du IVe livre d’Esdras, qui commence par ces paroles : Incipit liber Esdræ prophetæ secundus : il n’y a d’abord que les deux premiers chapitres de ce livre ; on lit ensuite tout le IIIe livre d’Esdras, à l’exception de l’histoire des trois officiers de Darius ; puis recommence le IVe d’Esdras, avec ce titre Liber Ezdræ quartus, anno tricesimo ruinæ civitatis, eram in Babylone ego Salathiel, qui et Ezra, et continue jusqu’à la fin. J’en ai vu un autre côté 773, où le IIIe livre d’Esdras ne commence qu’au chapitre III.

M. le Fèvre, précepteur de Louis XIII, avait trouvé un IVe livre d’Esdras si différent des imprimés qu’il jugea à propos d’en envoyer les diverses leçons au cardinal Baronius. Dans les anciennes Bibles latines imprimées, on lit ordinairement les trois livres d’Esdras de suite ; c’est-à-dire le Ier d’Esdras, celui de Néhémias, et le IIIe d’Esdras, ou, comme portent quelques exemplaires, le IIe d’Esdras. Cet ordre s’est continué jusqu’à la Bible de Sixte V. Depuis ce temps on a mis à part les IIIe et IVe livres d’Esdras, et hors du rang des Écritures canoniques.

Les Hébreux ne faisaient qu’un livre des deux premiers d’Esdras, ou si l’on veut, du Ie livre d’Esdras et du livre de Néhémias. Les Grecs les suivaient en cela, mais avec cette différence, que le Ie livre d’Esdras, dans les exemplaires grecs et dans plusieurs exemplaires latins, était celui que nous appelons le troisième. Les Pères les citent suivant cet ordre, comme on le voit dans Origène, sur la fin de l’homélie neuvième sur Josué ; dans saint Athanase, ou l’auteur de la Synopse citée sous son nom ; dans saint Augustin[6] et saint Cyprien[7]. Ce dernier, de même que saint Augustin, cite l’histoire du problème proposé par les trois gardes du corps de Darius, comme étant du vrai Esdras. Cela n’est pas extraordinaire pour saint Athanase, puisque c’était l’opinion commune des Grecs, et que leurs exemplaires les plus anciens et les meilleurs lisaient ce problème dans leur premier livre. Josèphe l’historien[8], plus ancien que tous ces Pères, le lisait de même : ainsi on peut assurer qu’avant la traduction de saint Jérôme, la plupart des églises tenait le IIIe d’Esdras pour authentique, puisqu’elles suivaient où les exemplaires grecs, dans les-

  1. Editio Græca, Francofurt. an. 1597, et Basileen, an. 1545.
  2. Editio Aldi, Venet., an. 1518.
  3. Sixt. Scenens. I. 1, pag. 8.
  4. Manuscript. monasterii sancti Michael, in Lotharing. Item duo alia sancti Germani a Pratis.
  5. Admonit. in lib. Ambros. De bono mortis.
  6. August., lib. xviii. De civit. Dei, cap. 36. « Nisi forte Esdras neo Christum prophetasse intelligendus est, quod inter juvenes quosdam orta quæstione, quid amplius valeret in rebus, cum regem unus dixisset, alter viuum, tertius mulieres, idem tamen tertius veritatem super omnia demonstravit esse victricem. »
  7. Cyprian., ep. 74, ad Pompeiam : « Apud Esdram veritas vincit. »
  8. Joseph., Antiq, l. xi, c. 3.