Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

maître du Soudan. C’est un pays fort riche. Il nous fournira d’énormes impôts : nous pourrons donc donner une importance plus grande aux armées musulmanes. » Le sultan ayant vidé son carquois, et chassé la bile de son foie, comme dit un historien marocain, l’assemblée ne se montra pas très enthousiaste de semblables projets : « Prince, il y a entre notre pays et le Soudan un immense désert, privé d’eau et de végétation, si difficile à franchir que les oiseaux eux-mêmes s’y égarent. » EI Mansour répliqua : « Si telles sont vos objections, je ne vois en quoi elles peuvent même effleurer ma résolution. Vous parlez de déserts dangereux et de solitudes mortelles. Mais ne voyons-nous pas tous les jours des négociants, faibles et pauvres en ressources, pénétrer dans ces régions et les traverser à pied, à cheval ou à chameau, en groupe ou isolés ? Ce que font les caravanes ne pourrais-je pas le faire, moi, qui suis riche en toutes chose ? La conquête elle-mème sera ensuite des plus aisées. Les Soudanais ne connaissent ni la poudre, ni les canons, ni les mousquets au bruit terrifiant. Ils ne sont armés que de lances et de sabres. Que peuvent-ils contre nos engins nouveaux ? Plutôt que de guerroyer contre les Turcs qui nous donneraient beaucoup de mal pour un profit médiocre, mieux vaut cette conquête facile, car le Soudan est plus fertile que tout le nord de l’Afrique. » Les conseillers se laissèrent convaincre : « Seigneur, conclurent-ils, Dieu vous à inspiré la vérité, et personne de nous n’a rien à ajouter, tant il est vrai que les esprits des princes sont les princes des esprits. »

EI Mansour mit un soin extrême à organiser une armée, non plus nombreuse, mais d’élite. Parmi ses soldats et ses auxiliaires nomades, il choisit les hommes les plus vaillants et les plus dévoués, les pourvut de vigoureux chameaux, de robustes chamelles, de chevaux de race, et rassembla ainsi trois mille mousquetaires et un millier de combattants à l’arme blanche, tant cavaliers que fantassins. Le commande-