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DIENNÉ, HIER ET AUJOURD’HUI

grands honneurs, et — point capital pour nous — respecta la ville.

Rentré dans le giron songhoï, Dienné en partagea désormais le sort avec résignation. Lors de la conquête marocaine, elle composa avec le vainqueur, comme plus tard avec les Foulbés, comme il y a cinquante ans avec les Toucouleurs. Elle eût de même ouvert spontanément ses portes au colonel Archinard, si Alpha Moussa, le commandant de la garnison toucouleur, l’eût laissée faire.

À ce même point de vue archéologique, Dienné tira encore un autre avantage de sa position insulaire. Bâtie sur un espace forcément limité, la ville ne se prêtait guère à l’établissement d’éléments étrangers assez nombreux pour altérer sa physionomie ou ses mœurs. En toute autre situation, des faubourgs auraient surgi, se seraient bientôt fondus avec la cité, et en auraient à la longue modifié l’aspect premier. Ce fut sans doute le cas de Gaô. Au contraire, Dienné, dans son île, resta elle-même comme en une tour d’ivoire.

Les fondateurs de la ville avaient trouvé pour leurs constructions une matière remarquable. En vérité, ce n’était ni le grès, ni le granit, ni l’albâtre des monuments d’Egypte. On ne trouve de la pierre qu’assez loin de Dienné. Mais y a-t-il lieu de s’en plaindre ? On sait que les temples et les palais des Pharaons s’élevaient à coups de fouet. Les pères des Songhoïs avaient dû y travailler. Le vulgaire qui les élevait se contentait, lui, de très modestes demeures en terre. Or, c’est évidemment à la dernière caste qu’appartenaient les émigrants. S’il leur eût fallu extraire et tailler des blocs de granit pour leur propre compte, ils y auraient renoncé et adopté les huttes primitives des aborigènes au milieu desquels ils s’implantaient. Et nous aurions été frustrés de voir vivre aujourd’hui encore une cité au décor pharaonien.