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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

avons vu que le pays ne comportait pas de grandes routes terrestres, véhicules des armées. Autant que par ses murailles Dienné se trouvait défendue par ses canaux, ses marigots et l’inondation.

Aussi les Diennéens ne manquent-ils pas de vous dire que, seule parmi toutes les cités du Soudan, leur ville ne fut jamais prise, ni détruite, ni saccagée. Et le Tarik vient confirmer cette assertion. Alors que Gaô et le reste de l’empire songhoï étaient devenus tributaires et vassaux du puissant royaume de Mali, Bienné et le Dienneri restèrent indépendants. « Il y eut beaucoup de batailles. On en compte presque cent. Toujours les Diennéens furent victorieux. Les Malinkés, après leur dernière défaite, dirent qu’ils allaient revenir. Mais, en cette année où J’écris (1654), la centième bataille n’est pas encore livrée : les Malinkés ne sont pas encore revenus ! »

Fière de sa richesse, consciente de sa force, est-ce à l’époque de la grandeur du Mali que Dienné s’émancipa et rompit les liens qui l’attachaient au Songhoï décadent ? C’est probable, d’autant que, vers ce même temps (seizième siècle), l’armée du Mossi, allant prendre Tombouctou, la sépara matériellement et effectivement du reste de l’empire. Aussi, lorsque Sunni Ali restaura la puissance songhoï, dut-il employer la force pour rallier les Diennéens. Le grand conquérant eut à faire contre eux sa plus rude campagne. Il entreprit le siège de la ville et y consacra sept ans, sept mois et sept jours suivant les uns, quatre ans « seulement », suivant les autres. Toute son armée fut immobilisée dans le Dienneri, à tel point que les soldats se firent agriculteurs. Du coup Dienné fut menacée de famine. Le chef de la ville fit alors proposer la paix, et Sunni Ali, lassé de son côté, s’empressa de l’accorder aux plus honorables conditions : le jour de la reddition, loin de l’humilier, il fit asseoir à ses côtés ce frère ennemi, épousa sa mère en lui rendant de