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LE COMMERCE ET LA VIE.

subsistance de la ville est assurée par les dattes que les caravanes apportenten venant du Maroc, et par les céréales et autres vivres qu’elles laissent au retour du Soudan. Taoudenni est, avec les nomades-voituriers et les chargeurs marocains, touatiens ou tripolitains, le troisième client de Tombouctou.

Une mince couche de sable saupoudrant le gisement, on l’exploite à ciel ouvert. Le minéral se présente très nettement stratifié, et, suivant les couches, des esclaves l’extrayent en plaques plus ou moins épaisses. Ces plaques sont taillées rectangulairement ; leur largeur est d’une coudée sur trois coudées de longueur (1 m. 20 sur 0 m. 40). On dirait alors de grandes dalles de marbre blanc, veinées de gris cu tachetées de rouge. Elles valent sur les lieux de 2 à 6 francs et pèsent de 25 à 45 kilogrammes : un chameau en porte de quatre à six.

Les divers entrepreneurs du Taoudenni, au sortir de la mine, tracent sur leurs plaques (ou plutôt barres, ainsi qu’on dit au Soudan) l’un des signes suivants qui est comme leur marque : A, O, I, +, —, etc. À Tombouctou, avant d’être expédiée à travers les pays nègres, la barre de sel est l’objet d’une véritable toilette. Au moyen de peinture noire, on l’enjolive de dessins géométriques et, en caractères arabes, on trace sur les deux faces le nom vénéré d’un chérif vivant ou d’un saint, ou celui de quelque grand personnage. Sidi Yahia, le patron de Tombouctou, Abdel Kader, le grand chef algérien, Cheikou Ahmadou, El Hadj Omar, et autres sont honorés de cette façon. Ainsi ornementées, pour tout emballage on entoure les barres de lanières en cuir brut, de manière à maintenir les morceaux assemblés, en cas de fracture. On aura une idée du grand commerce de sel de Tombouctou par ce fait quune corporation y est uniquement occupée, d’un bout de l’année à l’autre, à ce marquage et à ce ficelage.