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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

L’étudiant ayant parfait son éducation, il recevait un diplôme appelé adjaga ou licence d’enseigner. Il était marabout à son tour et les carrières libérales du Soudan lui étaient ouvertes. Il pouvait entrer dans le clergé des mosquées, devenir l’iman ou le prédicateur de quelque petite ville, aspirer aux fonctions de Cadi ou d’assistant de cadi dans son pays. Certains adoptaient la carrière de leur maître et fondaient de nouvelles familles de cheiks.

Souvent les riches commerçants s’attachaient ces jeunes savants. Ils avaient alors la situation des chapelains dans nos grandes familles d’autrefois : ils s’occupaient de l’éducation des enfants, faisaient la lecture au chef de la famille, lui écrivaient ses lettres, prodiguaient des conseils de morale ou d’hygiène, présidaient à ses aumônes, lui racontaient d’agréables histoires, etc. D’autres gagnaient leur vie en donnant des leçons de langue arabe et d’écriture aux étrangers nègres de passage à Tombouctou. Un grand nombre remplissaient l’office d’écrivain public, se chargeant de rédiger la correspondance des commerçants et surtout copiant des livres ; religieux ou autres, qui, suivant leur importance, se payaient 15 à 100 francs.

Enfin il y avait aussi la catégorie des ratés et des tartufes, Ceux-là exploitaient la crédulité des naïfs, et entretenaient dans le peuple la superstition, mêlant l’islamisme aux restes du fétichisme et aux pratiques de magie que les ancêtres des Songhoïs avaient importées jadis d’Égypte. Moyennant finances, ils préparaient des drogues contre l’impuissance et donnaient des consultations de somnambules, annonçaient la réussite ou l’échec d’un voyage ou d’une entreprise, confectionnaient des talismans ou procédaient à des envoûtements, ainsi que nous l’avons vu sous le règne de l’Askia Ishak. Le commerce des talismans ou grigris était particulièrement lucratif, la clientèle comprenant aussi bien des Touaregs que des nègres. Des prières ou des invocations transcrites sur un