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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

des héritages, et aussi sur les mesures à prendre pour rétablir dans les cités soudaniennes la morale et les bonnes mœurs.

La brochure que nous possédons contient ces questions et les réponses du cheik arabe, qui eurent force de loi. Il conseilla entre autres, la création d’agents des mœurs, d’inspecteurs des marchés, de vérificateurs des poids et mesures etc. Mais en même temps que ces décisions excellentes, il en fit adopter d’autres à tous égards regrettables, empreintes qu’elles sont de la sévérité et de l’intolérance dont il avait fait preuve dans ses campagnes contre les Juifs du Touat. Il préconise toujours des mesures très rigoureuses et bien souvent la peine de mort, le tout appuyé sur les meilleurs arguments religieux.

Ces excès de zèle et l’action très grande qu’El Mouchéïli eut au Soudan, puisque, après quatre siècles, il fait encore autorité, nous amènent à parler d’un sujet que nous n’avons pas eu l’occasion d’aborder jusqu’ici et qui est d’importance cependant : la psychologie du musulman nègre.

Le caractère du nègre soudanien en général et du Songhoï en particulier comporte essentiellement une base de douceur et de bonté. Il n’y a pas en lui les éléments pour produire le farouche sectaire de l’Islam que nous trouvons dans le nord de l’Afrique et en Asie. Fréquemment le Soudanais a adopté la religion de Mahomet par snobisme, parce que ses vainqueurs la professaient, et qu’à l’adopter il en rejaillissait sur lui quelque chose de leur prestige et de leur considération. Soumis à des Européens, il n’y a donc aucun obstacle à sa conversion au christianisme. Livré à lui-même, il est le type du musulman tolérant. Cinq siècles après l’introduction de l’islamisme au Soudan, ne trouvons-nous pas des temples fétichistes encore debout à côté des mosquées ? et dans de grands centres, comme Dienné, où les demeures des idoles ne furent détruites qu’en 1475. Dans les nombreuses biographies des saints, je n’ai jamais vu vantée ni même mentionnée l’intolérance de l’un de ces pieux personnages. En général la po-