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LA CONQUÊTE FRANÇAISE

tan ce serait bien, sinon il est libre de faire ce qui lui plaira : la population ne s’y opposera pas.

Cependant les délégués reviennent : l’un n’est pas agréé, un Tripolitain, qui a été désigné par les commerçants arabes. Le commandant ne veut pas traiter avec un étranger, mais avec les habitants de la ville uniquement. On le remplace par un marabout influent, Mohaman Kouati. L’autre délégué est Alfa Saidou, le chef de quartier. Dès lors les négociations sont ouvertes très amicalement à Kabara. Les délégués exposent franchement la situation et annoncent l’exode des Touaregs. Le commandant les traite avec honneur, leur apprend que deux armées le suivent, et demande qu’un traité de paix soit signé par le chef de la ville, les autorités et les notables, mettant le pays sous le protectorat de la France. Mais à Tombouctou personne n’ose donner sa signature. La ville est abandonnée à elle-même. Chacun craint le retour des Touaregs et sait qu’alors sa signature lui coûtera la tête.

Le Niger a une crue exceptionnellement hâtive et abondante, ainsi qu’il arrive, suivant une légende locale, les années où doit se produire un événement marquant, sinistre généralement, guerre, épidémie, disette. Depuis trente ans on ne se souvient pas d’avoir vu l’eau aussi profonde dans le marigot qui serpente de Kabara à Tombouctou. M. Boiteux décide de brusquer la conclusion des négociations en se rendant à Tombouctou, et de s’y rendre par le marigot de Kabara avec deux chalands armés de canons-revolvers empruntés aux canonnières.

Et c’est ainsi que Tombouctou, située à plus de 1.000 kilomètres de la mer, ville saharienne au surplus, fut prise par des marins, et de véritables marins d’eau salée, qui donnèrent en ce jour la réplique aux hussards de Jourdan, s’emparant de la flotte hollandaise dans les glaces du Zuiderzée.

Nous sommes le 15 décembre. La veille au soir les deux