Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

vient s’abattre au milieu des troupeaux de moutons qui ont pour elles une attirance particulière et d’un effet très drôle. Par groupe de deux ou trois, les aigrettes entourent chaque mouton, afin de picorer les parasites de sa laine, et, très graves, à pas comptés, le suivent broutant, si bien que l’innocent ruminant semble un prisonnier entre ses geôliers.

D’autres oiseaux à dépouille précieuse s’ébattent encore sur les plages, mais moins nombreux : marabouts, merles métalliques au plumage vert-bleu profond, martins-pêcheurs extraordinairement nuancés d’azur. Puis, par bandes, comme les canards sauvages, défilent des pintades, des flamants et des pélicans. Parfois aussi, à l’approche des roseaux de la rive, un bizarre froufrou, suivi d’un nuage de poussière, s’élevait : c’étaient les infiniment petits de la gent ailée, des mange-mil, guère plus gros que des criquets. Enfin, parmi mes familiers, je me garderai d’oublier l’oiseau-trompette, un grand échassier noir, casqué de rouge, dont l’étonnant cri imite à s’y méprendre la trompe de nos tramways.

Ainsi qu’est infiniment nuancé le martin-pêcheur azuré, est aussi varié à l’infini le décor dans lequel se déroule ce bariolage de vie. À Toulimandio les rives se présentent en hautes futaies aux belles verdures sombres, profondes, comme veloutées. Au loin se dessinent de légères montagnes, derniers rameaux du massif du Fouta-Diallon. N’étaient l’inaccoutumée largeur du fleuve et le soleil endiablé, le paysage, en vérité, n’aurait rien de tropical. Les bois s’éclaircissent peu à peu. Les arbres diminuent de taille. Aussi les crues ont-elles facilement prise sur les berges qu’elles déchiquettent. Le lit est jonché de troncs arrachés. D’autres sont lamentablement penchés sur l’eau, à demi déracinés, victimes certaines des prochaines inondations.