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même temps, au relèvement de leurs pays, plongés dans un malaise incontestable, depuis que la culture de la canne à sucre, pour des motifs suffisamment connus, ne donne plus les résultats d’autrefois.

Le principal article sur lequel M. S. appelle l’attention, c’est la banane, dont le transport est des plus faciles, à la condition qu’on prenne exemple sur la Jamaïque, les Canaries et autres pays, et qu’on ne coupe et n’embarque le fruit que suivant l’expérience acquise, au point de vue de la maturité. Mais, en dehors de ce fruit savoureux et de plus en plus apprécié, il y a l’orange, l’ananas, — même la mangue, dont le transport était, il n’y a pas encore longtemps, considéré comme impossible, et qu’on est arrivé, aujourd’hui, à importer en Europe dans de bonnes conditions.

L’exemple qu’a donné la Jamaïque est saisissant. Comme tant d’autres, cette île décroissait considérablement depuis plusieurs années. Il a fallu l’énergie des planteurs, secondée par le puissant appui du gouverneur précédent, pour faire revivre entièrement cette colonie. Abandonnant presque complètement la canne à sucre, on s’est mis à planter, dans d’énormes proportions, le bananier ; les États-Unis ont été d’abord les principaux clients, l’Europe n’a pas tardé à suivre, et, à l’heure qu’il est, l’exportation annuelle s’élève à trois millions et demi de régimes de bananes. Je ne citerai que pour mémoire l’exportation de 100 millions d’oranges et d’un nombre fantastique d’ananas par an. J’étais stupéfait, au mois de mars dernier, en parcourant la Jamaïque, où je n’avais pas remis les pieds depuis vingt ans, de comparer le pays d’autrefois à la colonie florissante d’aujourd’hui, de trouver dans la capitale, à la place de la modeste auberge où j’étais descendu dans le temps, deux grands hôtels à l’européenne, différentes lignes de tramways, un mouvement considérable, une ville, en somme, occupant six fois l’emplacement dont j’avais gardé le souvenir et attirant annuellement une avalanche de touristes, tant d’Amérique que d’Angleterre, Un vieux résident, à qui je manifestais ma surprise de voir ce pays tellement transformé dans cette période relativement courte, me répondit laconiquement : « Ce n’est qu’à la culture du bananier que nous devons tout cela, ainsi qu’au gouverneur, Sir Henry Hake, qui a fait construire de bonnes routes partout.

Une des variétés les plus appréciées sur les marchés américains est la banane de la Martinique, savoureuse par excellence, et la Martinique est précisément la seule des Antilles qui n’en exporte pas. Je ne prétends nullement apprendre quelque chose de nouveau aux autorités compétentes ; plusieurs auteurs ont déjà soulevé la question que je viens de traiter, et dans certaines colonies les pouvoirs publics ont appelé l’attention des planteurs sur la culture du bananier. Mais est-il superflu de mentionner, avec chiffres à l’appui, les résultats obtenus par la Jamaïque, aujourd’hui que la pauvre Martinique a besoin, plus que jamais, de se relever, et que ses centres de culture, intelligemment ouverts par le gouverneur, M. Lemaire, se prêteraient à des essais dont l’importance saute aux yeux ? Ce qu’il faudrait obtenir en même temps, c’est le concours des bonnes compagnies de navigation ; car il est nécessaire qu’elles donnent à leurs paquebots les installations appropriées au transport des fruits entre les Antilles et l’Europe.

G. Verschuur.


CÔTE EST DE L’ÎLE, À UNE CERTAINE DISTANCE DE GEORGETOWN. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE.