Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 09.djvu/522

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ravisent, se font ramener au port. Ceux qui ont le cœur solide, ou qui sont les victimes héroïques de l’amour-propre, continuent la « partie de plaisir ».

J’ai résumé, passant à Paimpol, les opérations de la pêche lointaine à la baleine, à la morue. Ici, c’est la pêche côtière. C’est là que se fait l’apprentissage de la grande pêche, que se forment les futurs marins. Toutes les pêches ne se font pas dans la même saison, ni à la même heure. Quelques poissons se laissent prendre en tous temps, mais il faut, pour les autres, savoir choisir le moment propice. La sardine et le hareng, qui se propagent en nombre que l’on peut dire incalculable, voyagent par bandes qui ont parfois 10 ou 12 kilomètres de longueur. Les sardines, que l’on appâte avec des œufs de morue desséchés, fréquentent de préférence nos côtes ouest de l’Océan vers le mois de mai. Parfois aussi, elles passent au large, ne s’approchent que des côtes d’Espagne et d’Afrique. Les harengs sont plus capricieux encore : on les rencontre tantôt ici, tantôt là, au commencement de l’année dans les mers du Nord, puis sur les côtes septentrionales de l’Écosse, plus tard dans la mer d’Allemagne, et enfin, vers les derniers mois de l’année, dans la Manche. « Il est, dit M. Brousse, des signes certains auxquels on reconnaît les bancs de harengs. Des volées d’oiseaux de mer les suivent constamment, ils exhalent une odeur particulière, ils agitent les flots sur l’eau plate comme de l’huile, et enfin, pendant la nuit, une traînée de feu manifeste la présence de ces poissons éminemment phosphoriques. » Comme pour la sardine et pour la plupart des autres poissons de petite et de moyenne grandeur, c’est le filet qui est utilisé dans la pêche du hareng. Celle-ci a lieu de préférence la nuit, et ce sont les falots attachés aux embarcations qui, attirant le poisson, servent d’appeau, en quelque sorte. Les filets de vastes dimensions, lestés de pierres ou de morceaux de plomb, ont des mailles d’environ 2 centimètres où les poissons s’engagent par les ouïes sans pouvoir se libérer. On retire le filet de l’eau à l’aide de cabestans, et les poissons sont recueillis dans un autre filet, ou dans des barils, en couches séparées par des lits de sel.

LA FLOTTILLE DES SARDINIERS À DOUARNENEZ.

Le maquereau, et quantité d’autres poissons visibles en tous temps dans les halles et marchés, la raie, le merlan, l’éperlan, le turbot, l’anguille, la sole, la limande, etc., se pêchent sur les côtes pendant toute l’année, mais cette pêche est plus abondante en mai, juin, juillet. Le saumon se pêche sur les côtes, en hiver, et à l’embouchure des fleuves et des rivières, pendant les chaleurs, le saumon qui aime l’eau claire à une certaine température, changeant de parages à l’époque des équinoxes : il hiverne en mer et vient chercher l’eau douce au printemps. On le prend avec des filets simples, de grandes dimensions, avec des filets traînants appelés « seines », et dans les rivières avec des lignes ou des nasses. Il existe, sur plusieurs rivières, des établissements affectés spécialement à la pêche du saumon, construits sur le modèle d’un établissement qui est à Châteaulin. C’est une sorte de barrage formé d’un double rang de palanques, enfoncées dans le sol au fond de la rivière, et reliées, en bas et en haut, par des anneaux. Ce barrage est percé de trous entourés de minces lames métalliques qui, en aval, dessinent une embouchure en forme de nasse. Le poisson, remontant le courant, franchit aisément, en écartant les lames, ces ouvertures qui se referment à mesure et qu’il ne peut franchir en sens inverse : il se trouve alors enfermé par un vaste grillage dans un réservoir d’où on le sort à l’aide d’un filet ou d’une épuisette,

La Bretagne n’a pas d’aujourd’hui son renom de pays de pêche. Au xve siècle, les mêmes poissons qui sont recherchés aujourd’hui n’étaient pas d’un rendement moindre. Le hareng, la sardine, le maquereau, le merlan, l’esturgeon, le congre, etc., abondaient ; le rouget de Vannes était très recherché. L’ouverture de la pêche donnait lieu à des réjouissances dont on a gardé le souvenir. Les seigneurs, des représentants du duc y assistaient, montaient parfois sur les bateaux. Le produit de la pêche était, de droit, la propriété du seigneur. Les marins recevaient « une prime de seize