Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 19.djvu/110

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première hauteur. Nous nous partageons ensuite en deux équipes : Hansen et moi nous formons la première ; Hassel et Wisting la seconde. À tour de rôle, elles observent pendant six heures de suite.

Le temps est superbe. Par moments une buée très légère traverse le ciel sans toutefois voiler le soleil. Malgré cette vapeur, toutes les heures, pendant vingt-quatre heures de suite, il nous est possible d’observer. Nous faisons usage du temps moyen de Framheim. Le 17 à midi, les opérations astronomiques sont terminées. Il est certain que nous ne nous trouvons pas au Pôle mathématique, mais l’écart ne peut être qu’insignifiant. Au surplus, avec les instruments dont nous disposons, nous ne pouvons obtenir un meilleur résultat. Nous dînons ensuite, puis Bjaaland prononce un petit discours fort bien tourné et nous offre ensuite des cigares. Des cigares au Pôle, quel luxe ! Après cela, mon compagnon me tend un étui encore garni, qu’il me prie d’accepter en souvenir de ce jour mémorable. Cette attention me touche profondément et de tout cœur je remercie Bjaaland.

Le dîner achevé, nous dressons la petite tente en soie confectionnée par notre habile voilier pendant la traversée de Madère à la Grande Barrière. De couleur sombre, elle est visible de très loin au milieu de ces immenses champs de neige. Au bâton qui la soutient, nous fixons une hampe haute de 4 mètres avec un pavillon norvégien et en dessous une planche portant gravé le mot : Fram. À l’intérieur, je dépose dans un sac une lettre à Sa Majesté le Roi de Norvège relatant brièvement notre expédition et une autre adressée au commandant Scott, qui, suivant toute vraisemblance, sera le prochain visiteur du Pôle. Nous abandonnons un sextant, un horizon artificiel et quelques effets d’habillement. Sur une planchette fixée au bâton de la tente nous écrivons ensuite nos noms. Une fois tout bien fermé, nous saluons Polheim, la Maison du Pôle, comme nous appelons ce frêle abri, en nous découvrant devant l’emblème de la patrie. Après cela, les traîneaux sont rapidement chargés, et en route pour le retour !

NOUS SALUONS POLHEIM, LA MAISON DU PÔLE…

La piste est excellente ; par suite, l’allure rapide. Les chiens semblent comprendre que maintenant nous revenons à la maison. Un vent tiède, presque une brise d’été ; température : seulement 19° sous zéro. Bientôt nous avons rejoint le dernier camp où un traîneau a été laissé en arrière. Après une courte halte, nous repartons. Nos traces ont presque disparu ; mais nos cairns sont là pour nous permettre de retrouver la route. De très loin Bjaaland les aperçoit, quoique leur hauteur ne dépasse pas 1 mètre. Ces monticules sont très visibles sur cette plaine unie ; quand le soleil les frappe, ils scintillent comme des lampes électriques ; lorsque, au contraire, il les laisse dans l’ombre, ils prennent l’aspect de rochers.

Désormais nous marcherons la nuit. Cette organisation présente divers avantages. D’abord, nous aurons