LE PÔLE MEURTRIER[1]
VII. — LE DÉSASTRE
endredi, 2 mars. — Jamais une mauvaise fortune n’arrive seule.
Lorsque dans l’après-midi d’hier, nous avons atteint le dépôt, trois
nouveaux coups du sort sont venus aggraver singulièrement notre
position. D’abord, l’approvisionnement de pétrole que renferme ce
cairn est très maigre ; même avec la plus rigoureuse économie, il ne
durera pas jusqu’à la prochaine cache. En second lieu, les orteils
d’Oates ont fort mauvais aspect : ils ont été évidemment gelés lors
des derniers froids intenses. Enfin, la nuit, le thermomètre est
tombé au-dessous de −40°. Ce matin, nous avons employé
plus d’une heure et demie à nous chausser. Quoi qu’il en soit,
avant 8 heures nous sommes en route. Ayant perdu les anciennes
traces, nous faisons route au Nord-Ouest, mais sans réussir à
les retrouver. Bientôt la situation est rendue encore plus grave par
une piste abominable. En dépit du vent et de la voile, nous ne parcourons
que 10 kilomètres.
Samedi, 3 mars. — Hier retrouvé la piste : nous étions trop à l’Est ! Fait tout près de 18 kilom. et demi ; la situation a semblé alors devenir meilleure ; ce matin, en revanche, l’avenir s’annonce plus sombre que jamais. Après un bon départ avec brise favorable, progrès rapides pendant une heure, ensuite la piste devient atroce. Avec cela vent debout ; tout nous est contraire ! Après quatre heures et demie de route, la fatigue nous oblige à camper. Parcouru seulement 8 kilom. 3.
Il n’y a pas de notre faute, certes ! Ce matin, nous avons tiré de toutes nos forces, mais sur plus des trois quarts de la distance parcourue la neige collait et le vent était très violent ; si bien que nous étions hors d’état de mouvoir le traîneau et par moments même de marcher. Que Dieu ait pitié de nous !
- ↑ Suite. Voyez pages 13, 25, 37, 49, 61, 73 et 85.