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LA TENTE OÙ ONT ÉTÉ RETROUVÉS LES CORPS DU CAPITAINE SCOTT, DU LIEUTENANT BOWERS ET DU Dr WILSON.


LE PÔLE MEURTRIER[1]

JOURNAL DE ROUTE DU CAPITAINE SCOTT
Adapté par M. Charles Rabot


VII. — LE DÉSASTRE


Froids terribles. — Piste de plus en plus mauvaise. — Oates a les pieds gelés et ne peut plus marcher. — Sa grandeur d’âme. — Sa mort héroïque. — La fin n’est plus loin pour les autres. — Les adieux de Scott aux siens, à ses amis. — Son noble message au public.


LES SKIS DES HÉROS DU PÔLE.


Vendredi, 2 mars. — Jamais une mauvaise fortune n’arrive seule. Lorsque dans l’après-midi d’hier, nous avons atteint le dépôt, trois nouveaux coups du sort sont venus aggraver singulièrement notre position. D’abord, l’approvisionnement de pétrole que renferme ce cairn est très maigre ; même avec la plus rigoureuse économie, il ne durera pas jusqu’à la prochaine cache. En second lieu, les orteils d’Oates ont fort mauvais aspect : ils ont été évidemment gelés lors des derniers froids intenses. Enfin, la nuit, le thermomètre est tombé au-dessous de −40°. Ce matin, nous avons employé plus d’une heure et demie à nous chausser. Quoi qu’il en soit, avant 8 heures nous sommes en route. Ayant perdu les anciennes traces, nous faisons route au Nord-Ouest, mais sans réussir à les retrouver. Bientôt la situation est rendue encore plus grave par une piste abominable. En dépit du vent et de la voile, nous ne parcourons que 10 kilomètres.

Samedi, 3 mars. — Hier retrouvé la piste : nous étions trop à l’Est ! Fait tout près de 18 kilom. et demi ; la situation a semblé alors devenir meilleure ; ce matin, en revanche, l’avenir s’annonce plus sombre que jamais. Après un bon départ avec brise favorable, progrès rapides pendant une heure, ensuite la piste devient atroce. Avec cela vent debout ; tout nous est contraire ! Après quatre heures et demie de route, la fatigue nous oblige à camper. Parcouru seulement 8 kilom. 3.

Il n’y a pas de notre faute, certes ! Ce matin, nous avons tiré de toutes nos forces, mais sur plus des trois quarts de la distance parcourue la neige collait et le vent était très violent ; si bien que nous étions hors d’état de mouvoir le traîneau et par moments même de marcher. Que Dieu ait pitié de nous !

  1. Suite. Voyez pages 13, 25, 37, 49, 61, 73 et 85.