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Dimanche, 4 mars. — En vérité, la situation est très sombre. Hier soir, comme d’habitude, au moment du dîner, nous avons oublié les dangers de la position. Après un excellent rata, nous nous sommes fourrés dans nos sacs et avons parfaitement dormi. Le lendemain, au réveil, un second rata, puis en route. Pendant la matinée ; nous tirons de toutes nos forces pour ne couvrir que 6 kilom. 5 en quatre heures et demie.

Nous sommes à 78 kilomètres environ du prochain dépôt, avec une semaine de vivres, et seulement trois ou quatre jours de pétrole. La consommation du combustible a été réglée aussi économiquement que possible, par contre l’effort que nous devons produire nous empêche de réduire les rations.

Quoique la situation soit très grave, aucun de nous n’est encore découragé. Tous nous faisons même preuve d’entrain, mais le cœur se serre quand le traîneau s’arrête sur quelque sastrugi. Pour le moment le thermomètre marque −28°,8 environ. Cette atténuation de la température nous procure un peu de bien-être, mais un nouveau coup de froid est à redouter. Je crains qu’Oates et peut-être d’autres ne puissent le supporter. Que la Providence nous vienne en aide ! Nous n’avons plus grand’chose à attendre des hommes, sinon quelques rations supplémentaires au prochain dépôt.

FAC-SIMILÉ DE LA PREMIÈRE PAGE DU MESSAGE AU PUBLIC.

Lundi, 5 mars. — Cela va de mal en pis. Hier, dans l’après-midi, un peu de vent. Nous nous sommes couchés, après avoir avalé une tasse de cacao et du pemmican qui a été simplement dégelé.

Oates a les pieds en piteux état. La nuit dernière, l’un a beaucoup enflé et, maintenant, notre camarade boîte. Ce matin, marche de cinq heures sur une piste un peu moins mauvaise, quoique couverte de sastrugi.

La provision de combustible est terriblement basse ; le pauvre Oates presque à bout de forces. Quelle affliction nous ressentons de ne rien pouvoir pour le soulager ; une nourriture chaude plus abondante lui procurerait peut-être un peu de bien-être, mais si peu !

Nul n’aurait prévu un froid aussi intense. Avec le plus admirable dévouement, Wilson soigne les pieds d’Oates ; aussi, de nous tous, reste-t-il le plus longtemps exposé aux rigueurs de la température. Nous ne pouvons pas nous prêter mutuellement secours, chacun étant absorbé par les soins que réclame son état.

Malgré la marche, le froid nous envahit et le vent perce nos vêtements, en dépit de leur épaisseur. L’entrain persiste néanmoins, lorsque nous sommes réunis sous la tente. Nous voulons finir la partie avec honneur, mais quelle épreuve que ce traînage épuisant ! Nous sommes glacés et à bout de forces.