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les poneys nous obligeront à partir plus tard ; mais notre devoir est de pousser vigoureusement en avant et travailler de toutes nos forces pour l’honneur du pays, sans nous laisser envahir par le découragement.

Jeudi, 23 février. — Travaillé toute la journée à préparer les traîneaux, afin de nous porter à la rencontre de Bowers à Corner Camp. Temps désagréable, vent et chasse-neige. Wilson et Meares tuent trois phoques pour nourrir les chiens.

Vendredi, 24 février. — Partis à 9 heures pour Corner Camp, Crean, Cherry-Garrard et moi avec un traîneau ; Evans, Atkinson et Ford avec un second ; Keohane conduit son poney. Journée horrible. Au réveil, tout est recouvert d’une épaisse couche de petits cristaux de glace, une espèce de givre. Avant de déjeuner, je débarrasse mes skis de ce dépôt ; travail inutile : pendant le repas il se reforme et je dois recommencer à nettoyer mes patins. Cela nous rappelle un matin de gelée blanche en Angleterre, avant une belle journée ensoleillée ; mais, ici, il faut renoncer à ce dernier espoir. L’Érébus et le Terror apparaissent l’après-midi pendant quelques instants. Maintenant la neige s’élève en tourbillons ; de nouveau le blizzard menace !

Samedi, 25 février. — Levés à 3 heures. Avançant à la découverte, nous reconnaissons bientôt dans la tache noire en mouvement l’escouade de Bowers avec ses poneys. Ils paraissent avancer très vite, et ne pas voir notre camp. Plus tard dans la journée nous recoupons leurs traces : leur examen me fait craindre qu’il ne reste plus que quatre chevaux.

Dimanche, 26 février. — Continuation de la marche vers Corner Camp. La deuxième escouade, avançant péniblement, enlève ses skis dans l’espérance de moins peiner. Après une marche de 5 kilomètres, nous dressons le camp pour déjeuner.

Cette halte terminée, encore 5 kilomètres et nous arrivons au dépôt. L’escouade de Bowers y avait campé. Nous y laissons six bonnes semaines de vivres, un sac d’avoine et les trois quarts d’un ballot de foin. De là, Cherry-Garrard, Crean et moi, partons directement pour la station, laissant les autres ramener le poney par petites étapes. À 10 heures du soir, campé.

Lundi, 27 février. — Au réveil, le blizzard fait rage. Nous voici encore une fois confinés sous la tente. Si l’on sort seulement une minute, on est couvert de neige de la tête aux pieds. Nous parvenons cependant à prendre dans le traîneau les ustensiles de cuisine, et à préparer un repas. Le sort des poneys me cause une vive inquiétude. Où peuvent-ils bien être ? L’escouade de Bowers avait deux jours d’avance sur la tempête et peut-être a-t-elle réussi à se mettre à l’abri avant le blizzard[1] ? Il est plus probable que, comme nous, nos camarades ont été surpris par ce coup de chien. La force du vent est terrible ; de furieuses rafales tendent la toile de la tente ; avec cela, la température devient très basse. Toujours notre malchance habituelle !


(À suivre.) Adapté par M. Charles Rabot.


LE LIEUTENANT DE VAISSEAU RENNICK ET UN PINGOUIN AMI.
  1. Dans les deux derniers jours, elle avait gagné Safety Camp.