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Jeudi, 27 avril. — Je m’occupe d’organiser pendant l’hiver une série de conférences. Ce projet a séduit mes compagnons ; il sera en effet très intéressant de discuter des questions scientifiques entre gens compétents. Notre petite communauté réunit un très grand nombre d’hommes de valeur appartenant aux spécialités les plus différentes, et connaissant tous les pays de la terre.

Dimanche, 30 avril. — La tempête a entamé la banquise. Du sommet d’une colline haute de 20 mètres voisine de la station, le détroit ne paraît pas ouvert au delà de l’île. Après le service divin, gravissant le glacier jusqu’à une altitude d’environ 200 mètres, je reconnais de là qu’un gros morceau de la banquise a dérivé au large et que la nuit précédente la mer a dû être libre entre la pointe de la Hutte et l’île Turtle.

Promenade intéressante sur le glacier. On peut le remonter sur une distance de 1 600 mètres avant d’arriver aux crevasses, c’est seulement beaucoup plus loin qu’elles deviennent larges. Par un jour clair comme aujourd’hui, la vue est magnifique. À cette époque, pendant quelques heures règne encore une sorte de crépuscule durant lesquelles le paysage reste très distinct.

Mardi, 2 mai. — Lancé un ballon-sonde à une hauteur de 1 600 mètres ; l’appareil enregistreur s’est détaché. L’après-midi je vais avec Bowers et son poney recueillir cet enregistreur tombé près de la côte dans la baie du Sud. Dépassé l’île Inaccessible. Entre les icebergs l’épaisseur de la glace a notablement augmenté ; actuellement, elle atteint 35 centimètres et même plus ; au delà de cette terre, des nappes d’eau libre ont tout récemment gelé. Nous jouons pour la première fois au foot-ball. Un vent de Sud favorise mon camp et lui permet de faire trois buts. Le soir, Wilson inaugure la série des conférences par une étude sur les « Oiseaux voiliers de l’Antarctique ».

Cet après-midi observé dans la banquise du détroit une large crevasse de mauvais augure. Elle paraît s’étendre assez loin dans le Sud ; je redoute qu’elle ne coupe la route des poneys entre la station et la pointe de la Hutte. Je me demande si jamais la banquise redeviendra fixe dans le Sud, maintenant que la Langue du glacier a disparu.

Mercredi, 3 mai. — Ce soir, première conférence de Simpson sur la météorologie. Sujet : couronnes, halos, arcs-en-ciel et aurores. Notre camarade possède un remarquable talent d’exposition. En une heure il m’en apprend plus sur ces phénomènes que tous les bouquins que j’avais lus sur le sujet.

Jeudi, 4 mai. — Aujourd’hui encore, amusante partie de foot-ball. Cet exercice offre l’avantage de nous réchauffer. Atkinson est de beaucoup le meilleur joueur ; ensuite viennent Hooper, P.-O. Evans et Crean. Toute la journée calme. Promenade sur la banquise au delà de l’Archberg ; 800 mètres plus loin, l’épaisseur de la glace n’est que de 0 m.10.

Une existence confinée comme la nôtre dans un étroit horizon et dans un contact constant les uns des autres est la pierre de touche des caractères. Dans la vie ordinaire, la vantardise peut faire un instant illusion, d’autant que nous n’avons ni le temps, ni le désir de soulever les masques. Dans notre petite société, au contraire, les apparences ne comptent pas, et seule la valeur véritable est appréciée.

OATES ET MEARES PRÈS DU FOURNEAU À GRAISSE DANS L’ÉCURIE.

Armé de son crayon et de ses pinceaux, Wilson travaille à des esquisses et à des aquarelles destinées à enrichir son portefeuille ; entre temps, il complète les recherches zoologiques commencées lors de l’expédition de la Discovery ; avec cela, toujours il est prêt à aider les camarades de ses conseils. Confiants dans la justesse de son jugement, toujours nous le choisissons pour arbitre dans une discussion. Simpson veille avec la plus minutieuse attention au fonctionnement de ses nombreux appareils enregistreurs et apporte dans l’étude de leurs variations un esprit remarquablement pénétrant. À lui seul il accomplit le travail d’au moins deux observateurs. Jamais, dans une expédition polaire, les observations météorologiques et magnétiques n’ont été