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Lundi, 8 mai, et mardi, 9 mai. — Lundi soir, j’ai exposé mon plan de campagne pour la saison prochaine. Cette causerie a naturellement éveillé l’intérêt général. J’énonce mon opinion que le traînage par les poneys et à bras d’hommes constitue les meilleurs moyens de transport pour parvenir au Pôle. Tous mes auditeurs paraissent partager mon avis et partager ma défiance à l’égard des chiens pour l’ascension des glaciers et des plateaux. J’ai prié notamment mes compagnons de réfléchir à la question, de la discuter librement et de me présenter leurs objections s’ils en ont.

Mercredi, 10 mai. — Depuis hier soir, vent de Sud soufflant à raison de 20 à 30 kilomètres à l’heure ; la banquise ne bouge pas. Température : −20°,4 à −28°,3.

Le soir, causerie amusante de Ponting sur la Birmanie, accompagnée de jolies projections. Ses descriptions imagées portent la marque de son tempérament artistique. Bowers et Simpson ont ensuite rappelé leurs souvenirs personnels de ce pays de pagodes, et la soirée s’est terminée par une discussion intéressante sur la religion, l’art et l’éducation de ce peuple, en même temps que sur son indolence, etc. Nos conférences ont un grand succès.

Vendredi, 12 mai. — Hier matin, temps calme. Partie de foot-ball. Le vent souffle l’après-midi et dans la soirée. Atkinson est presque certain d’avoir découvert dans la neige une bactérie. Il n’en avait pas encore trouvé dans les couches d’air inférieures, mais les courants supérieurs peuvent en apporter de régions lointaines, et de la haute atmosphère elles tombent ensuite avec la neige. Cette découverte est intéressante si elle se confirme. Ce soir, conférence de Debenham sur la géologie.

Je suis allé à l’île Inaccessible. Ayant gravi son versant Ouest, j’ai été bientôt rassuré sur l’état de la banquise. La tempête d’hier n’a exercé sur elle aucune action. Après le thé, Atkinson signale l’attelage de chiens en vue. De suite nous descendons sur la banquise pour recevoir nos camarades de la pointe de la Hutte. Meares m’annonce que tout va bien et que les poneys suivent. Les chiens sont aussitôt dételés et attachés ; tous ont l’air en parfaite santé ; depuis quelque temps ils ont été, paraît-il, très dociles. Une demi-heure plus tard, Day, Lashley, Nelson, Ford et Keohane arrivent avec les deux poneys : hommes et animaux sont en excellent état.

Très grande est ma satisfaction d’avoir mon monde réuni et tous les animaux rentrés à la station. Maintenant nos dix poneys se trouvent à l’abri dans l’écurie. De ces animaux dépend notre succès.

PHOQUE DE WEDEL SUR LE POINT DE PLONGER.

Dimanche, 14 mai. — Temps gris et triste dans la matinée. L’harmonie et l’entente la plus complète règnent parmi nous. Jamais on ne voudra me croire, lorsque je raconterai que la concorde la plus complète a régné entre nous, tant on est persuadé que délibérément les chefs d’expédition font obstinément le silence sur les froissements qui naissent au cours des hivernages. Dans notre cas, je n’ai nul besoin de jeter le voile, pour la bonne raison que je n’ai rien à cacher. Dans notre petite communauté, aucun sentiment de commande, mais une cordialité sincère qui éclate en toute occasion. Un pareil état d’esprit est d’autant plus remarquable qu’il règne dans une réunion d’hommes venus de milieux aussi différents. Le thermomètre est descendu à −30°, la plus basse température enregistrée ici ; sans aucun doute il baissera encore davantage.