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cinématographique est dressé pour prendre l’arrière-garde qui avance rapidement et en fort belle forme. Après le lunch, nous sommes repartis du même train régulier qu’auparavant.

Je n’aime pas les soupers à minuit : pourtant, la marche est ensuite plus agréable, surtout lorsque, comme aujourd’hui, le vent tombe et que le soleil devient de plus en plus chaud.

Les deux groupes en avant ont campé à 8 kilomètres au delà de Safety Camp ; nous les rejoignons une demi-heure ou trois quarts d’heure plus tard. Tous les poneys sont mis au piquet, la plupart fatigués Chinaman et Jéhu le sont même beaucoup. Le plus grand nombre manifestent peu d’appétit.

Journée étouffante. L’air est irrespirable, et l’éclat de la lumière intense. Une impression d’été ; involontairement le souvenir de rues ensoleillées et de pavés brûlants vous revient à la mémoire. Pourtant la température demeure basse (−1°,1), et, il y a six heures à peine, j’ai eu le pouce mordu par la gelée. Grâce à ce beau soleil, l’impression très désagréable que l’on éprouvait à porter des bas et des chaussures gelés et à se fourrer le soir dans un sac de couchage rigide a entièrement disparu.

Samedi, 4 novembre. — Partis dans l’ordre qui sera désormais toujours suivi : Atkinson à 8 heures, nous à 10, Powers, Oates et Cie à 11 h. 15. Juste après le départ, trouvé un mot très encourageant des chauffeurs qui nous précèdent. Les deux tracteurs se sont parfaitement comportés jusque-là. Day écrivait : Espère vous rencontrer par 80°30′ de latitude. » Pauvre ami, trois kilomètres plus loin, il allait déchanter ! Dans la matinée du 24, les chauffeurs ont probablement rencontré un mauvais terrain, par suite tout a mal marché et plus tard cela devait aller encore moins bien. Les automobiles ont fait dans ces parages une copieuse consommation d’essence. À 6 kilom. 4 de là nous trouvons un bidon sur lequel est inscrit cette grave nouvelle : « La tige du piston du cylindre no 2 du tracteur de Day est brisée. » À 800 mètres en avant nous rencontrons abandonnés l’automobile et les traîneaux qu’elle remorquait : les chauffeurs ont poursuivi leur route seulement avec l’autre machine. Fini l’espoir que ces traîneaux nous seront d’un grand secours ! Les traces laissées par l’automobile encore valide s’allongent toujours en avant ; après cette première déception, d’un moment à l’autre, je m’attends à la trouver désemparée à son tour.

Dimanche, 5 novembre. — Corner Camp. Sans incident nous avons accompli la dernière étape de la première partie du voyage. Les poneys se comportent bien sur la neige molle ; ils sont, il est vrai, peu chargés, jusqu’ici. Cette nuit, nous verrons comment ils se tireront d’affaire avec des poids plus lourds.

Trouvé une note très inquiète du lieutenant Evans qui commande l’escouade des chauffeurs. Datée du 2 au matin, elle annonce que la vitesse maxima de son détachement a été de 11 kilom. 2 seulement par jour et que son véhicule a pris neuf sacs de fourrage. Au Sud, trois taches noires sont visibles : on dirait l’automobile abandonnée avec les traîneaux qu’elle remorquait. Comme c’était convenu, les chauffeurs ont continué leur marche afin de faciliter l’avance de la colonne. C’est une déception. J’attendais mieux des autos.

L’appétit des poneys est très capricieux. Ils n’aiment pas les tourteaux et, après avoir paru prendre goût au fourrage, ils semblent aujourd’hui s’en soucier peu. C’est grand dommage qu’ils ne mangent pas bien à présent, car plus tard ils deviendront voraces.

Lundi, 6 novembre. — Partis dans l’ordre habituel. Des dispositions sont prises pour prendre les charges complètes, si les taches noires en vue au Sud sont bien l’automobile et ses traîneaux.

Nos craintes n’étaient que trop fondées. Une note d’Evans annonce le retour de l’accident déjà éprouvé. La tige du piston du cylindre no 1 s’était rompue ; mais les autres parties du moteur étaient en bon état. Évidemment, ces machines ne sont pas construites pour fonctionner sous un pareil climat. Les chauffeurs ont continué en halant un traîneau à bras.

Avec leurs chargements complets, les poneys marchent très bien. Jéhu et Chinaman eux-mêmes, qui halent maintenant plus de 2 000 kilogrammes, donnent toute satisfaction : à l’arrivée, ils sont en aussi bonne forme qu’au départ. D’après Atkinson et Wright, les attelages deviendraient même plus vigoureux.

Mardi, 7 novembre. — Le blizzard a soufflé toute la nuit dernière et s’est prolongé jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Maintenant la brise a molli, mais le temps garde une mauvaise apparence.

Ce soir mardi, si le ciel reste sombre, les nuages ne semblent pas cheminer rapidement. Le Bluff est coiffé d’un grand stratus, qui ne paraît pas particulièrement battu par le vent. La brise tombe ; toute fois le ciel reste encore bas dans le Sud et garde toujours un aspect troublé. Toute la journée, 23°,3 sous zéro. Les poneys, qui avaient peu ou point souffert aux premiers bivouacs, ont été très éprouvés par la neige. Lorsqu’elle est épaisse et chassée par un vent violent, il ne paraît pas possible, quoi qu’on fasse, de les protéger convenablement. Nous autres, nous sommes assez commodément installés, mais combien l’inaction

    nous paraît-il utile d’indiquer dès le début l’ordre général de marche adopté par le commandant Scott. Chaque étape, qu’elle eût lieu le jour ou la nuit, était divisée en deux parties. En quittant son bivouac, la colonne avançait pendant plusieurs heures jusqu’au second déjeuner, le lunch. À ce moment avait lieu la grande halte, pendant laquelle les tentes étaient dressées, afin de préparer le repas et de le manger ensuite à l’abri du vent et de la neige. Après cela, on repartait et, après avoir couvert un certain nombre de kilomètres, on campait de nouveau pendant huit ou dix heures. Il est d’autre part utile de faire observer que la caravane avançait non pas groupée en une seule colonne, mais partagée en quatre escouades marchant à des vitesses différentes. (Note du traducteur.)