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bonne allure. Nous attaquons ensuite une montée, puis, à notre grand dépit, une fois de plus encore, nous nous trouvons au milieu de crevasses. Sur leur bord, entre de hauts monticules, un névé dur et glissant ; par suite, il est très difficile de prendre un point d’appui pour tirer les traîneaux. Avec les bâtons de ski, nous sondons ; néanmoins plusieurs d’entre nous enfoncent jusqu’à la ceinture. Après une demi-heure de cet exercice, j’aperçois le second traîneau assez en arrière. Évidemment un homme était tombé dans une crevasse. De loin nous assistons au sauvetage. Nous attendons une demi-heure nos camarades ; pendant ce temps nous souffrons atrocement du froid. Brusquement, nous raconte-t-on), Lashley avait disparu et peu s’en fallut qu’il n’entraînât à sa suite l’escouade entière. Emporté par son élan, le traîneau obstrua si bien la fente, qu’il fallut avoir recours à la corde alpine pour remonter Lashley.

À cette zone crevassée succède un meilleur terrain. Dès lors nous avançons assez rapidement. À une heure de l’après-midi, nous avons parcouru plus de 13 kilomètres et nous sommes élevés d’environ 75 mètres.

Soir. — Quarante-septième campement. Température : −21°,6. J’ai tellement mangé que je puis à peine écrire. Après un excellent déjeuner, suivi d’un dessert de chocolat et de raisins secs, nous avons fait un bon départ. Un peu plus loin, terrain très difficile avec crevasses, larges sillons presque parallèles à notre route, et nombreuses fentes cachées. Dans cette région, les chutes ont été fréquentes.

Couvert aujourd’hui 27 kilom. 7. Point estimé : 85°50′ de latitude Sud ; 159°8′2″ de longitude Est. Vers la fin de l’étape, piste meilleure : le glacier monte et descend en très longues ondulations. On ne distingue aucun alignement prédominant dans l’orientation de ces vagues.

Un mot de notre souper d’hier soir. Quatre services le composaient. D’abord un rata de pemmican et de viande de cheval assaisonné d’oignons et de poudre de cari, puis une macédoine de cacao et de biscuits sucrés ; après cela, un plum-pudding, enfin du cacao avec des raisins secs ; pour finir, un dessert composé de caramels et de gâteaux au gingembre. Après le festin, nous pouvions à peine bouger. Wilson et moi n’avons pu venir à bout de notre part de plum-pudding. Tous nous avons ensuite dormi comme des souches et sans sentir le froid : tel est l’effet d’un solide repas.

Mardi, 26 décembre. — Déjeuner. 12 kilomètres en quatre heures trois quarts. Peut-être le plum-pudding d’hier soir ralent-il notre allure. Jusqu’au bout la piste ne semble pas devoir s’améliorer. Si le terrain présente encore de faibles ondulations, en général il s’aplatit ; nous montons lentement.

Au quarante-huitième campement à 6 h. 30. Nous sommes mécontents de n’avoir couvert que 24 kilomètres, alors qu’au début je ne m’attendais pas à en parcourir plus de 16 !

Position observée : 86°2′ de latitude Sud ; 160°26′ de longitude Est. La température varie de −24°,4 le soir à −19°,4 pendant la journée. J’espérais en avoir fini avec les zones de glace disloquée, lorsque ce soir, j’aperçois à droite un monticule balafré de crevasses. Nous pourrons facilement l’éviter, mais il y en a peut-être d’autres par derrière. Ce matin, nous sommes partis une demi-heure en retard ; par suite, la distance couverte est moins grande, je devrai me contenter de 24 kilomètres.

Mercredi, 27 décembre. — Déjeuner. Le matin, vent faible et traînage pénible. Nous transpirons tous, surtout la seconde équipe, qui suit difficilement. Gravi et descendu une série d’ondulations ; les montées sont très fatigantes, surtout celles couvertes de sastrugi qui rejettent le traîneau de côté.

Quarante-neuvième campement. — Température : 21°,2 sous zéro. Après le déjeuner, progrès rapides sur un champ de neige molle ; ensuite, des sastrugi durs et glissants. Même sur ce terrain, l’allure reste bonne. Néanmoins je pressens quelque chose de mauvais. En effet, au delà d’une courte montée, une fois de plus nous voici au milieu de crevasses et d’accidents de toute sorte. Cela a été affreusement fatigant.

LES TRAÎNEAUX EN MARCHE.