Page:Le Tour du monde - 07.djvu/144

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abusé de la bienveillance de leurs habitants, je repris la route des Pamplemousses. Le village de ce nom a été immortalisé par le roman de Bernardin de Saint-Pierre ; et pour donner un corps à la fiction, on y a élevé deux petits monuments ombragés de bambous. Il s’est trouvé des gens qui en ont enlevé des morceaux, et cette profanation puérile blesse presque autant l’imagination que celle des touristes sans scrupule qui ont détruit tant de sculptures et de monuments de l’Égypte et de la Grèce.

Toute la partie du pays comprise entre les Pamplemousses et la mer souffre terriblement du borer, et encore plus d’une herbe introduite il y a une quinzaine d’années, et qu’on appelle herbe cailli ou caille. C’est la plus grande peste dont puissent être affligées les cannes, car les graines de cette plante étant portées de tous côtés par le vent, il est très-difficile d’en préserver les champs.

Une route à droite de celle des Pamplemousses conduit par un pont en pierre à l’établissement appelé les Moulins à poudre. Vers l’année 1774, il y existait une manufacture de poudre, mais à cette époque une terrible explosion détruisit une partie de l’édifice, qui sert maintenant de prison. Dans une petite plaine, voisine des Pamplemousses, repose Éylapola, prince cingalais, qui fut banni à Maurice, non pour s’être révolté contre les Anglais, car il les aimait beaucoup, mais parce que la politique ombrageuse du gouvernement britannique redoutait sa popularité. On lui donnait une pension et la liberté de circuler partout. Il était très-estimé et reçu par les citoyens les plus honorables.

La grande rivière.

Des Pamplemousses au Port-Louis, je ne rencontrai d’intéressant que la jolie rivière des Calebasses, et je m’arrêtai quelque temps à contempler les songes caraïbes, de six à sept pieds de haut, qui bordent ce cours d’eau à quelques pas de la route. Bientôt j’atteignis la Terre-Rouge, passai devant l’habitation du Hochet, et rentrai en ville par le champ malabar et la rue de Paris.

J’étais arrivé au terme de mon voyage. Il ne me reste plus qu’à remercier toutes les personnes qui m’ont facilité le parcours et l’étude de leur belle île. Puissent-elles trouver dans ces lignes une preuve que le souvenir de leur cordialité et de leurs services ne s’est pas effacé de la mémoire de leur hôte d’un jour.

Alfred Erny.