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Après le dîner, on repassa au salon, où l’on nous servit le thé et d’excellentes confitures. Pendant que nous étions au dessert, notre hôte nous quitta pour aller changer de vêtement, car c’est une politesse chez les Chinois d’en mettre un autre après le dîner. Il revint bientôt après en robe d’une espèce de satin turc d’un brun charmant, recouverte d’une veste de satin bleu broché. Il nous montra différentes curiosités et nous proposa de nous faire voir le temple principal, en attendant l’heure de spectacle ; car les Chinois ont un théâtre à Maï-Ma-Tchin.

Dîner chinois. — Dessin de Foulquier.

Le temple que nous avons vu est un bâtiment carré dont la corniche très-saillante est soutenue par des colonnes formant une galerie autour de l’édifice. Rien n’est plus extraordinaire que la variété des peintures et des ornements qui décorent cette corniche. Les colonnes sont dorées et couvertes d’inscriptions ; les murailles d’emblèmes empruntés à leur culte, et de sentences tirées de leurs auteurs sacrés. L’intérieur est divisé en trois parties où sont placées les idoles, et devant ces idoles qui occupent des enfoncements sont des tables avec des chandeliers où brûlent des cierges ; on y place aussi des vases où l’on met de l’eau, des parfums, et les objets offerts en sacrifices, comme des fleurs, du grain et des ex-voto. Des drapeaux et des flammes pendent au-dessus des tables et dérobent aux spectateurs la vue des idoles. Les murailles peintes à fresques, en belles couleurs et en or, représentent les actions ou les circonstances les plus remarquables de la vie des dieux auxquels le temple est consacré.

Quand on pénètre dans les enfoncements destinés aux idoles, qu’on n’aperçoit pas d’abord en entrant, on ne peut se défendre d’un mouvement de surprise et presque d’effroi à la vue de ces figures bizarres qui ont jusqu’à vingt pieds de haut, et dont les traits horriblement contractés n’expriment que des passions violentes. Les vêtements des idoles sont aussi extraordinaires que leurs visages, et tout ce qui leur appartient est sculpté et coloré avec un soin et une habileté qui annoncent des artistes d’un talent supérieur.

Dans le temple de Maï-Ma-Tchin, il y avait neuf divinités partagées en trois groupes. Au centre, Fo, divinité principale, accompagnée de ses acolytes, c’est-à-dire des guerriers qui, légendairement, ont contribué à assurer ses succès ; dans les deux autres groupes, sont les dieux de la guerre, de la justice, du commerce, de l’agriculture, et quelques autres idoles secondaires. Le dieu Fo est le seul qui ait un vêtement de satin jaune, couleur sacrée chez les Chinois, et que portent seuls les empereurs. En somme, le temple de Maï-Ma-Tchin est certainement une des choses les plus originales et les plus remarquables que j’aie rencontrées dans mes voyages. Notons en passant qu’il n’y a pas de prêtres ; le temple