Page:Le Tour du monde - 14.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veut bien tenir compte de tous les éléments de l’activité de notre époque, on devra convenir que les passions cupides et brutales tiennent moins de place qu’autrefois dans les conquêtes de la civilisation ; et que jamais celles ici n’ont été accompagnées d’un si grand déploiement de forces intelligentes et dévouées, au service soit de la science pure, soit du progrès social, soit de la charité évangélique.

Méconnaître, ne fût-ce que dans une simple relation de voyage, ce côté de notre histoire contemporaine, ce serait oublier ce qu’elle a de vraiment caractéristique et se fermer à soi-même les sources les plus pathétiques de l’intérêt qu’elle présente.


Nos voisins.
Bonzes en prière. — Dessin de A. de Neuville d’après une photographie.

La partie de la ville japonaise de Yokohama que l’on appelle Benten, tire son nom d’une déesse de la mer, qui est adorée dans une île située au nord-ouest de notre résidence. Avant l’arrivée des Européens, ce lieu sacré n’était entouré que d’une bourgade de pêcheurs et d’agriculteurs, séparée par un marais de la bourgade non moins modeste de Yokohama. Aujourd’hui les quais, les rues, les constructions modernes, ont envahi tout l’espace qui s’étend depuis la base du promontoire du Traité jusqu’à la rivière, dont nous ne sommes séparés que par une rue de casernes et de corps de garde japonais. Seule, l’île de Benten avec ses dépendances immédiates n’a subi aucune altération. Elle est située au fond d’une crique que la rivière s’est creusée à peu de distance de son embouchure dans la rade de Yokohama. Protégée de tous côtés par un revêtement en blocs de granit, elle communique avec les rues du bord de la mer par un pont que l’on entrevoit à peine au milieu des touffes d’arbustes, de bambous et de roseaux qui, dans cet endroit, envahissent le canal. Mais c’est sur un autre point, dans la direction de l’ouest, que