Page:Le Tour du monde - 14.djvu/11

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guerre, etc. ; auxquels nous ajouterons ceux que l’usage a déjà naturalisés dans le pays, par exemple : Hollanda, Hollandais ; Inglish, Anglais ; Frantz, Français ; ministro, ministre ; admiral, amiral. Et il ne nous manquera plus qu’un peu de mimique pour nous faire comprendre sans le secours des interprètes : ainsi, rentrant chez moi après une course prolongée, je commande à Tô de m’apporter du thé : tcha arimaska ? Il me répond : arimas, et bientôt la rafraîchissante boisson est sur ma table. — J’entends sonner l’alarme, et je demande s’il y un incendie : tchi arimaska ? Tô me répond : arimas. Mais un instant après, l’on est maître du feu, et il rentre pour m’apporter l’agréable nouvelle : arimasi. — Par le même procédé, je lui dirai de mettre de l’eau sur le feu ou dans le thé, d’appeler le bêto et de faire seller le cheval ; et de son côté, il m’apprendra si c’est la malle anglaise ou un vaisseau de guerre qui vient d’entrer en rade, ou si les ministres japonais se sont rendus à bord du vaisseau amiral français. — Je me dispense de citer les phrases en japonais, puisque le lecteur lui-même peut maintenant les construire. Ainsi s’agrandissait et s’enrichissait de jour en jour le cercle de nos conversations.

Pour compléter l’énumération des gens de notre résidence, je devrais encore mentionner l’équipage de la chaloupe consulaire, composé de quatre rameurs et de



leur chef, lequel met aussi bien et même mieux que ses subalternes, les mains à la rame. Le chef est marié et loge dans une cabane de la plage. Les rameurs se font ordinairement de la chaloupe même un abri pour la nuit ; Les gens de cette profession portent le nom de sendos et forment une tribu spéciale parmi les corps de métiers.

Avenue du temple, à Benten. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Il ne faut point attribuer à un concours de circonstances exceptionnelles le fait que notre domesticité comptait dans son sein des éléments si divers, si étrangers les uns aux autres. Ce spectacle se rencontre fréquemment dans l’Inde britannique et dans l’extrême Orient.

De nos jours la navigation à vapeur sillonne les mers du globe à la manière des conquérants de l’antiquité, qui enchaînaient à leur char de triomphe des captifs de toutes races, langues et nationalités. Notre siècle industriel et libéral ne charge pas de fers les peuples nouvellement conquis à la civilisation ; il se les attache par les liens du commerce ou des salaires, en général par les intérêts matériels. Ce n’est pas que trop souvent, au mépris des principes qu’ils professent, ses représentants dans les contrées nouvellement ouvertes ne se permettent des actes dignes d’être stigmatisés, à peu près au même titre que la vieille exploitation de l’homme par l’homme connue sous le nom d’esclavage. Mais si l’on