Page:Le Tour du monde - 14.djvu/204

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contraste avec les tons verts des forêts qui assombrissent toutes les croupes voisines. C’est là un spectacle si inattendu, si imposant, qu’il m’a toujours fait l’impression la plus vive et la plus profonde. Aujourd’hui encore je me rappelle comme si je les voyais les paysages de cette nature si communs dans la région des sources du Gange, paysages qui font de cette contrée la plus belle de l’Himalaya et lui donnent un charme qu’on ne comprend qu’après l’avoir ressenti.

Mais aussi combien change le monde végétal quand le voyageur, franchissant la crête de l’Himalaya, débouche dans les hautes vallées du Thibet ! Les denses et ombreuses forêts de la montagne, font place à des broussailles rabougries, qui n’ont pas toujours la hauteur d’un homme. C’est seulement dans les cantons les plus fertiles qu’à l’aide d’irrigations artificielles croissent quelques arbres fruitiers, des saules de petite taille et des peupliers. Ni mes frères ni moi n’avons trouvé au Thibet quelque chose qui fût vraiment digne du nom de forêt dans le sens complet du mot. Les lamas du cloître bouddhique de Man-Gnang ont bien réussi à faire venir quelques peupliers assez élevés et particulièrement vénérés dans le pays, à l’altitude considérable de 13 457 pieds, mais c’est là un fait très-exceptionnel.

Monastère bouddhiste dans le Thibet. — Dessin de Thérond d’après l’atlas pittoresque de MM. de Schlagintweit.

Sur les hauts plateaux du Karakoroum et du Kouen-Loun, entre 14 000 et 16 000 pieds, croît une espèce particulière de plantes arborescentes, le yabagéré qui ne grandit pas en hauteur, mais se développe horizontalement et se colle pour ainsi dire au sol salé qui le nourrit. Les arbres croissent, dans l’Himalaya jusqu’à 11 800 pieds, limite au-dessous de laquelle s’étendent les immenses forêts que j’ai essayé de peindre.

Sur le versant septentrional du Kouen-Loun, les arbres ne montent plus qu’à 9 100 pieds ; sur le versant méridional il n’y en a pas un seul, parce que l’altitude du pays, même dans les vallées les plus profondes, est trop considérable.

La ligne frontière des céréales se confond en général avec celle qui passe par les lieux habités toute l’année. Toutefois dans l’Himalaya, elles ne dépassent pas 11 800 pieds ; dans le Thibet, elles atteignent environ 14 700 pieds.

Les herbes croissent encore dans l’Himalaya à la hauteur moyenne de 15 400 pieds ; dans le Thibet, la limite extrême est 16 500 pieds, tandis que, dans le Kouen-Loun on ne rencontre plus d’herbes au-dessus de 14 800 pieds.

Les buissons et arbustes s’élèvent jusqu’à 15 200 pieds dans l’Himalaya et jusqu’à 17 000 pieds dans le Thibet, où ils dépassent ainsi sensiblement la ligne de croissance des herbes. Dans le Kouen-Loun, le versant sep-