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à couper le feu qui continuait à faire rage loin de nous. Quand nous rassemblâmes nos chevaux, nous vîmes que celui-la même qui nous avait causé tant d’inquiétude n’était pas trop maltraité, bien que roussi par tout le corps et sérieusement brûlé aux jambes.

L’Assiniboine revint peu après. Il avait trouvé le bon chemin.

Un des jours suivants, à notre campement du soir, nous lûmes, sur un arbre, une inscription où nous apprîmes que les trois mineurs qui avaient quitté leur compagnie dans le district de la Saskatchaouane, pour découvrir les sources de cette rivière, s’apercevant qu’ils étaient près de l’Athabasca, s’étaient détournés pour aller chercher les sources du Mac Leod.

Le sur lendemain, une marche d’un demi-mille nous conduisit aux rives de l’Athabasca. Comme la Saskatchaouane, elle coulait dans un canal qu’elle s’était creusé au fond de la large vallée de la rivière. Les coteaux escarpés qui la bordaient avaient deux cents pieds de haut et étaient couverts de bois épais de pins, de sapins et de peupliers, qui ressemblaient fort à ceux du Mac Leod. Cependant la vallée de l’Athabasca est plus enfoncée et plus large. Les eaux de la rivière étaient troubles, profondes et rapides. Elles avaient alors, étant gonflées dangereusement, toute l’élévation du printemps et contrastaient vivement avec les cours d’eau clairs et bas que nous avions récemment traversés. L’Athabasca remplissait son lit jusqu’aux bords, avait deux cents mètres de large, se précipitait, enflait ses grosses vagues par-dessus les roches dont son lit est semé, et entraînait dans le courant de larges pins de cinq ou six pieds de diamètre, qu’elle faisait sautiller et tournoyer comme les pailles qui descendent un ruisseau.

En montant. — D’après MM. Milton et Cheadle.

Bientôt le sommet d’une butte ronde et dégarnie nous donna la première occasion d’apercevoir les montagnes Rocheuses. C’était un magnifique point de vue et le plus encourageant que nous pussions rencontrer. Il y avait si longtemps que nous vivions dans une contrée plate ! Depuis trois semaines, nous avions vécu ensevelis dans les profondeurs de la forêt, qui nous fermait toute perspective et nous privait presque de la clarté du jour.

Des chaînes de collines couvertes de sapins, courant presque du nord au sud, s’élèvent, par gradins toujours plus hauts, vers l’occident ; à l’horizon, nous voyions, parallèlement à ces hauteurs, une chaîne de pics sourcilleux et rocheux, que dominaient les têtes neigeuses de quelques géants. Cette neige, qui couronne les sommets les plus hauts, demeurait encore dans les creux des parties moins élevées ; elle étincelait au soleil à travers la vapeur d’un bleu pâle qui fondait les tons du paysage et rapprochait, presque jusqu’à nous, ces montagnes éloignées. Dans la chaîne, une entaille, aussi nette que si elle avait été faite au couteau, montrait, à notre imagination, l’ouverture de la gorge par laquelle nous devions passer. Un rocher bizarre situé sur le côté gauche ou oriental de ce passage, et fort semblable à la moitié d’un gâteau de Savoie coupé vertica-