Page:Le Tour du monde - 14.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

battue et, le 22 à midi, nous poussâmes des cris joyeux lorsqu’au sortir des ténèbres de la forêt où nous avions été si longtemps au cachot, nous commençâmes à fouler l’herbe d’une belle petite prairie. Devant nous s’étendait un pays libre, ouvert, varié, avec des collines arrondies et des bandes de sol boisé. D’un commun accord, nous nous arrêtâmes. Nous couchant sur le vert gazon, nous nous chauffâmes au soleil, et nos bêtes en liberté se mirent à paître l’herbe fraîche.

« Le jour avait un éclat et une beauté admirables. On comprendra le bonheur que nous avions à contempler ce ravissant paysage. Depuis onze semaines au moins, nous avions marché sans relâche, et depuis un mois, avions été égarés dans la forêt, affamés, épuisés de fatigue, presque sans espoir d’en sortir.


Notre enthousiasme à la rencontre de nos semblables. — Camp d’Indiens. — Kamloups est en vue. — En avant ! au fort ! — Quel souper ! — Fin de nos tourments. — Repos.

Enfin, le chemin était bien tracé, bien battu. Notre petite troupe n’était pas au bout de ses épreuves ; mais elle était sûre d’atteindre le but. Le 23, nous rencontrâmes un Indien, et sa squau, portant un enfant à dos.

Les terrasses du bassin du Fraser. — Dessin de Bellel d’après MM. Milton et Cheadle.

C’étaient les premiers êtres humains que nous eussions rencontrés depuis notre départ de La Cache de la Tête-Jaune. Dieu sait quelle accueil nous leur fîmes ! Quelles véhémentes poignées de main, quels éclats de rire, que de questions incompréhensibles ! L’homme en était stupéfait. Nous crûmes comprendre, d’après ses signes, plus encore que d’après son langage, que nous ne tarderions pas à rencontrer d’autres Indiens et que nous pourrions atteindre Kamloups cette nuit même. Nous pressâmes donc notre marche pendant dix à douze milles mais sans rencontrer personne. Ce soir-là, nous mangeâmes notre dernier morceau de cheval séché.

Le 24, nous vîmes deux Indiens, deux femmes et quelques enfants assis autour d’un feu où cuisaient quelques baies dans un pot de fer. Dès que nous eûmes nommé Kamloups, ils s’écrièrent :

« Aiyou beaucoup, beaucoup ; aiyou thé, aiyou tabac, aiyou saumon, aiyou whisky, Kamloups ! »

D’où nous conclûmes que nous trouverions là une abondance de bonnes choses.

Le lendemain matin, nous rencontrâmes sur notre route les cadavres de deux Indiens, un homme et une femme, qui se corrompaient au soleil. Ils étaient étendus côte à côte, sous une couverture et ayant autour d’eux tous leurs effets auxquels personne n’avait touché.

Dans l’après-midi du 28, nous aperçûmes enfin dans le lointain une chaîne de hauteurs qui marquait la place de Kamloups. Le soir, en effet, malgré la nuit