Page:Le Tour du monde - 14.djvu/270

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tout au plus pour les chars à bœufs et les charrues que la mise en culture de l’antique oppidum attire de loin en loin des habitations riveraines de l’Auzon. Pendant que notre voiture s’y engageait résolûment pour aller nous attendre sur la route d’Espagne à la hauteur de Pérignat, nous nous hasardâmes dans les ravins qui, sillonnant profondément la montagne à l’est du hameau de Merdogne, offrent à l’étude de belles coupes géologiques. Autre sujet de controverses !

Toute la base de Gergovie est formée, comme le fond de la plaine environnante, de strates légèrement inclinées vers l’est, et dont un calcaire blanc marneux forme la substance. Aux deux tiers environ de la hauteur totale, ces couches sédimentaires, évidemment déposées par les eaux douces de la Limagne primitive, sont interrompues par un puissant épanchement de basalte qui les coupe sous un angle fort prononcé et produit dans leurs assises, jusqu’à une assez grande distance de leurs points de contact, autant d’altération que de confusion. Sur ce lit de matières ignées, d’une pâte noire, dense et sonore, sont superposées des couches épaisses de ces mélanges de sables volcaniques, de cendres et de scories auxquels les géologues ont donné le nom italien de peperino, et de tufs ou conglomérats terreux, également vomis par la bouche des volcans ; des strates plus régulières et plus minces de marnes bleues, vertes et blanches, viennent ensuite, et une nappe de basalte tabulaire recouvre le tout.

Plan du camp des Chazaloux, ruines gauloises près de Pontgibaud.

Gergovie n’est donc guère moins remarquable au point de vue de l’histoire de la terre qu’au point de vue de l’histoire de homme ; car la disposition et la nature de ses assises renferment un des problèmes les plus ardus, les plus compliqués de la géologie. Chacune des écoles qui divisent et subdivisent cette noble science en petits cénacles, a cherché à résoudre ce problème par les données absolues de ses systèmes exclusifs.

Tout d’abord, ceux de nos illustres contemporains qui n’accordent pas à notre globe un passé plus dramatique que ne l’est son présent sénile, et qui n’admettent dans l’univers d’autre Dieu que le temps, ne peuvent voir dans le massif de Gergovie que la résultante du jeu régulier de l’eau douce et du feu, qui auraient travaillé alternativement et de concert, sans trouble ni éviction, à combler, celle-ci de ses dépôts sédimentaires, celui-là de ses déjections volcaniques, le bassin lacustre de la Limagne et à en élever graduellement le fond jusqu’au niveau donné par le basalte supérieur du plateau de Gergovie.

Que dis-je ? plus haut, plus haut encore ! car dans ce système, cette montagne, les puys Grioux, de Corent, de Saint-Saturnin, de Chanonat et vingt autres qui hérissent aujourd’hui la Limagne, ne seraient que des piliers ou, pour parler la langue pratique des terrassiers, les témoins de cet énorme remblai, qu’à son tour « la seule action de l’air, des pluies, des neiges ou de tout autre agent naturel, encore à l’œuvre, » a suffi pour éroder, raviner, démolir brin à brin et excaver, atome par atome, jusqu’au plancher actuel de l’Allier et de ses affluents.

Si l’on vient à songer que ce terrible travail d’érosion pacifique devrait s’être accompli tout entier entre l’époque du grand épanchement basaltique accusé par les sommets précités, et celle où les cratères de Gravenoire,