Page:Le Tour du monde - 14.djvu/271

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des puys Noir, de Lassolas et de la Vache, épanchèrent leurs laves dans la plaine de Beaumont et d’Aubières, dans le val de Chanonat et dans le bassin d’Aydat, on est saisi de vertige à la pensée de l’incalculable série de siècles entassés dans une seule fraction d’une unique subdivision d’une même période géologique. Il est impossible alors à qui ne partage pas la foi des néokroniens dans la placide éternité du globe, de ne pas sentir grimacer dans les plis fatigués de son cerveau les termes grotesques de ce problème bien connu des élèves de l’École des Mines :

Étant donnés un boulet de vingt-quatre et une fourmi, et celle-ci tournant autour de celui-là sans jamais s’écarter du même cercle, combien faut-il de temps à l’insecte pour scier la boule de fer en deux parties égales ?

Mais l’idée de combler outre mesure le bassin de la Limagne pendant les deux premières périodes de l’époque tertiaire, pour le creuser d’autant pendant l’âge suivant, soulève une bien autre objection. Les dépôts sédimentaires de cette époque s’allongent dans le sens du méridien, depuis Brioude jusqu’au confluent de la Loire et de l’Allier, indiquant sans interruption entre ces deux points l’étendue du lac qui les forma. Mais où était la berge septentrionale de ce bassin ? Ce n’est pas tout de suspendre une semblable masse d’eau à 900 mètres au-dessus du niveau des mers (hauteur donnée par les puys Grioux près de Clermont et de Barnère près d’Issoire). Il faut lui trouver, à son aval, une digue capable de la soutenir, ou, tout au moins, de contenir l’énorme écluse naturelle qui l’aurait drainée. Or, cette digue n’existe pas. Les reliefs les plus prononcés du sol au nord de Decise et de Moulins ne dépassent pas 300 mètres et ne gardent les traces d’aucun Niagara. « On ne saurait » avoue M. Scrope lui-même, l’ardent promoteur de la théorie que nous exposons, « on ne saurait admettre que le granit de ces collines ait perdu 1 700 pieds de son épaisseur depuis la période pliocène (l. c., ch. IX). »

Plan topographique de Gergovie.

Concluons donc :

Bien que dans leur assiette générale les strates sédimentaires de la Limagne s’écartent peu du plan de l’horizon, elles portent l’empreinte évidente de commotions violentes et multipliées, parmi lesquelles on ne peut refuser d’admettre de grands changements de niveau. Nul, il est vrai, n’est à même d’indiquer la place où s’élevait la berge septentrionale de l’ancien lac, bien que l’immense cuvette de granit qui contenait celui-ci soit encore presque intacte dans tout le reste de son pourtour. Mais on ne saurait s’étonner de l’impuissance de la science à restituer dans leur ensemble complet les traits primitifs d’une contrée aussi longtemps en proie aux feux des volcans que le fut celle-ci. Tout au moins peut-on affirmer, avec Lyell (et je suis heureux de m’étayer ici de ce nom respecté), que durant cette période de commotions souterraines, bien des