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nage. Appelée gravier noir par les habitants, elle a donné son nom à la montagne.

Le cratère n’est pas visible ; il a probablement disparu, obstrué par une dernière convulsion, lorsqu’il eut vomi le torrent de lave qui, comblant ainsi que nous l’avons déjà dit, la vallée de Royat, s’étend de là dans la plaine jusqu’à Mont-Joly et aux portes de Clermont.

Dès qu’on a laissé Gravenoire derrière soi, on perd la vue de la Limagne et momentanément celle de la chaîne des Puys. La route court sur un plateau granitique aussi remarquable par son horizontalité que par l’absence de toute déjection volcanique. Tout l’intérêt de ce trajet de cinq kilomètres est concentré sur le village de Thède, près duquel j’ai remarqué un menhir antique, modernisé par l’adjonction d’une croix en fer à son sommet ; puis, un peu plus loin, un monument dont la forme et les dimensions tiennent à la fois de la tour gothique, du marabout arabe et surtout du stoppa bouddhique. C’est, me dit-on, le tombeau d’un homme de bien et de science, Benoit Gonot, qui fut pour la bibliothèque de Clermont ce que sont et seront encore longtemps, j’espère, M. Bouillet pour le musée et M. Lecoq pour le jardin des Plantes de cette ville.

Tout en méditant sur ce monument et sur l’inscription gravée sur son fronton : Hæc est requies mea, nous traversions une zone étroite de basalte, courant entre le Puy de Pasredon et celui de Berzè. Ce groupe forme une île isolée sur le plateau granitique ; dans l’intervalle de deux kilomètres, qui la sépare du bord de celui-ci, on chercherait vainement, je m’en suis assuré, un vestige, une trace, un débris atomique de l’énorme coulée qui, d’après la théorie de M. Poulett-Scrope, aurait uni, à la fin de l’époque tertiaire, le Puy de Berzè au plateau de Gergovie.

Au sud du Puy de Pasredon, tout change d’aspect ; à la droite de l’observateur s’élève un système irrégulier de cônes volcaniques, qui pour l’artiste, le simple touriste comme pour le géologue, forme la portion la plus intéressante de toute la chaîne. Le caractère extraordinaire du paysage, contemplé du haut d’un de ces puys, fait une impression qui ne sort jamais de la mémoire. Il n’y a pas, dans les campagnes d’Italie ou de Sicile, de site qui déploie en traits plus accentués le caractère particulier aux contrées désolées par les phénomènes volcaniques.

Tombeau de Montlosier à Randanne. — Dessin de Hubert Clerget, d’après l’album de M. H. de Lanoye.

Si quelques-uns de ces cônes sont revêtus d’un manteau de forêts ou de pâturages, d’autres sont demeurés nus, et l’intérieur de leur cratère brisé, rouge ou noir et scorifié, a, comme les roches de leurs courants de lave, une fraîcheur d’aspect que le feu seul peut donner pour d’incalculables siècles, et qui témoigne d’une manière frappante de l’action de cet élément dans sa plus terrible énergie.

Voici d’abord le Puy Noir ou de la Meye, dont le large demi-cratère, profond de six cents pieds, fut la source d’un ou peut-être de deux des plus grands torrents de lave des monts Dôme.

Immédiatement derrière lui et à côté l’un de l’autre, semblables par la masse, la hauteur et la forme, se dressent les Puys de Las Solas et de la Vache.

Toutes les apparences de ces deux remarquables montagnes prouvent, à n’en pas douter, que l’amoncellement de scories qui les a formées a eu lieu avant l’émission d’aucune lave, et que cette substance, s’élevant plus tard en flots bouillonnants dans l’intérieur de chaque cône, en a rempli la cavité, et brisant par son poids le côté le plus faible de la cheminée volcanique, a inondé le sol environnant d’un déluge de feu. Dans le haut de la concavité de ce qui reste de l’énorme cratère du Puy de la Vache, le point auquel la lave s’est élevée est marqué par une saillie de matière légère, scoriacée, d’un jaune rougeâtre, est riche en fer spéculaire ; une partie de l’écume qui dut flotter à la surface de la lave en ébullition, est même demeurée adhérente et figée aux parois du creuset, depuis le moment où celui-ci a éclaté.

Un amas de basalte engorge encore la partie inférieure de la bouche ignivome ; c’est le point de départ d’une énorme coulée de matières en fusion, qui, grossie par l’addition de celles de Las Solas et du Puy de Vichatel, situé immédiatement en face, a pris son cours vers le sud-est, et, en comblant le lit de deux petits ruisseaux tout près de leur confluent, a donné naissance au petit bassin de la Caissière et à la large et pittoresque nappe d’eau d’Aydat. De ce point le torrent de lave, ayant traversé une étroite gorge granitique et s’étant étendu à mesure que la vallée s’élargissait aux environs de Saint-Saturnin, ne s’est arrêté que sur l’emplacement où est aujourd’hui situé Tallende. La distance parcourue par la lave est d’environ dix-neuf kilomètres avec une pente de bien peu inférieure à sept cents mètres. Il paraît qu’un marais d’eau stagnante existait, à l’époque de cette éruption, près du lieu qu’occupe main-