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Il y a soixante ans, alors que les géologues se chamaillaient à propos de la formation des basaltes, le naturaliste Ramon, le peintre des Pyrénées, s’écriait en visitant ces mêmes lieux : « Ce n’est assurément pas au Mont-Dore que la fameuse question de la volcanicité des basaltes sera jamais l’objet d’une discussion sérieuse. »

La dernière irradiation que le foyer du Mont Dore ait projetée du côté de l’Est, s’est étendue jusque auprès d’Issoire, ou, dans l’espèce de delta formé par la rencontre des Couzes de Chambon et de Pavin avec l’Allier, elle a pénétré, mêlé, confondu, recouvert des dépôts lacustres des périodes éocène et miocène, ainsi que des dépouilles animales d’époques évidemment postérieures. Elle a ainsi constitué les falaises bréchiformes du Mont-Périer, auquel plusieurs rangées de grottes, creusées en des temps inconnus, et encore en partie habitées, donnent l’apparence d’un immense vaisseau pétrifié, avec tous ces sabords restés béants. Pour expliquer la formation et l’entassement de ces brèches, il faut supposer, comme l’a fait M. Ch. Lyell, la soudaine invasion d’une énorme masse de vase liquide, se précipitant en cascades des flancs élancés d’un volcan en conflagration, au milieu de torrents de lave, d’avalanches de neiges et de rocs déracinés.

Lac Chambon. — Dessin de Hubert Clerget d’après nature.

L’Islande, presque de nos jours, a été le théâtre de faits analogues. En 1783, l’hiver et les premiers jours du printemps avaient été dans cette île d’une douceur inaccoutumée. Vers la fin de mai, on vit flotter un léger brouillard bleuâtre autour des flancs glacés du Skapta-Jokul, que n’ont jamais foulé les pas de l’homme. Un violent tremblement de terre suivit cette apparition. Le 8 juin, des nuages de fumée noire, issus de la partie nord du volcan, s’ébranlèrent dans la direction du sud, marchant contre le vent et enveloppant de ténèbres et de cendres, tout le district de Sida. Bientôt d’innombrables colonnes de flammes jaillirent du milieu des glaciers, s’étalèrent sur leur surface, pendant que la rivière Skapta, une des plus larges de l’île, disparaissait tout à coup après avoir inondé sa vallée sous une fétide bouillie d’eau et de poussière volcanique.

Deux jours après, un courant de lave vint couler à la place de l’onde dans le lit de cette rivière, et bien que le chenal béant n’eût pas moins de deux cents mètres de largeur sur soixante-dix de profondeur, le déluge de feu le combla, surmonta ses rives et se répandit dans la plaine environnante ; là, il roula devant lui, comme un tapis, le sol tourbeux rempli de dépouilles organiques, en fit une chaîne de collines qu’il recouvrit de matières ignées et finit par se jeter dans un lac, dont les eaux, vaporisées à son contact, s’évanouirent en sifflant dans les airs.

Telle fut sans doute, la’scène dont le bassin des deux Couzes fut le théâtre, lorsqu’une des dernières convulsions du Mont-Dore pétrit de boue, de cendres, de tuf, de scories et d’ossements de grands mammifères, les monts Perrier et de Boulade.

F. de Lanoye.

(La fin à la prochaine livraison.)