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À l’ouest, elles paraissent avoir occupé tout l’ancien lit de l’Allier, de Langogne à la Vieille-Brioude ; mais la forte et large chaîne primitive de la Margeride, qui s’élève immédiatement sur la rive gauche de la rivière, a opposé à la double invasion de la lave et des eaux une infranchissable barrière, et il a été plus facile à l’Allier de ronger et d’entraîner les nouvelles matières déposées dans son sein que d’entamer le granit qui endigue sa rive gauche. C’est grâce à ce procédé qu’ont été mises à nu plusieurs magnifiques rangées perpendiculaires de colonnes de basalte à Saint-Ilpize, à Chiliac, à Saint-Arçon, à Monistrol, et sur d’autres points des mêmes bords. Elles paraissent, en général, assises sur un lit de coquillages à cent ou cent cinquante pieds au-dessus du niveau actuel de l’eau.

À l’orient, au contraire, les coulées de laves, rencontrant les talus inclinés d’un grand bassin lacustre, ou même d’une série de lacs, alimentés et parcourus par la Loire, se sont épanchées en grandes nappes sur les dépôts sédimentaires de ces bassins, dont elles ont dû, a maintes reprises, labourer le fond, élever ou baisser le niveau, modifier et altérer les contours.

Plus d’une fois, elles ont imposé au chenal de la Loire de nouveaux détours et de nouvelles issues et l’ont rejeté jusque sur les rampes du Mont-Mézenc, dont les irruptions, à leur tour, l’ont repoussé à l’ouest.

Les preuves des divers changements subis par le chenal de la Loire doivent être cherchées dans le profond ravin par lequel ce fleuve s’échappe maintenant du bassin du Puy ; ravin qui, certes, n’existait pas lors de l’épanchement des basaltes qui recouvrent, à des niveaux correspondants, les sommets des plateaux de Chambeyrac et de l’Oulette. (Voy. la carte p. 290.)

Façade et portail de la cathédrale du Puy. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Ces plateaux ont fait partie du haut embranchement granitique de Chaspinhac qui sépare le bassin lacustre du Puy de celui d’Emblavès, autre division du même dépôt d’eau douce, et leur séparation n’a pu avoir lieu que par déchirement, à la suite de l’un des tremblements de terre qui ont accompagné les innombrables commotions volcaniques de cette région. Il est même probable que les eaux de la Loire et de ses lacs s’écoulaient auparavant par une autre issue, pratiquée peut-être sur un point surbaissé de la chaîne qui sépare aujourd’hui le fleuve de son affluent le Lignon de Tence.

En aval du bassin inférieur d’Emblavès, la Loire s’échappe définitivement par un défilé tout semblable à celui d’amont, et creusé comme lui dans une épaisse digue volcanique dont l’élévation originelle est attestée par des témoins encore debout : les monts de Miaunes et de Gerbison, qui se dressent de chaque côté de la gorge à la hauteur de 550 mètres au-dessus de la rivière. Que cet énorme dyke phonolithique, soudainement lancé dans la vallée de la Loire, ait élevé le niveau des eaux qu’elle renfermait de plus de 200 mètres, on doit le supposer ; car le granit qui forme à la fois la base du Gerbison et celle du Miaunes à une hauteur de 330 mètres au-dessus de la rivière actuelle, peut être considéré comme un segment de l’ancienne berge qui contenait le lac dans les premiers temps de l’ère tertiaire.

Il est facile aussi de se faire une idée de la puissance d’action d’une masse d’eau ainsi accumulée, des horribles tourmentes qui accompagnèrent ses conflits avec les coulées de laves descendant dans son sein, avec les dykes s’élevant, chauffés à blanc, du fond de son bassin, avec les tremblements de terre, chargés d’ébranler et de crevasser les digues qu’elle devait éroder. On ne doit donc pas s’étonner si on n’a pas trouvé ici ce qu’on remarque si souvent en Auvergne : des torrents de lave occupant le lit des rivières et s’allongeant dans les vallées comme s’ils y avaient coulé d’hier.

Dans les monts Dôme, il est facile de remonter chaque coulée de lave jusqu’au cratère qui l’a vomie ; mais ici les cônes sont plus nombreux, plus serrés, et l’énergie volcanique, qui paraît s’être déployée pendant bien plus de temps et avec plus de violence, a uni les couches de