Page:Le Tour du monde - 14.djvu/300

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Je traversai deux fois cette église, à l’aller et au retour ; deux fois encore je l’ai revue le lendemain et elle m’a laissé au fond du souvenir cette impression profonde, que si elle n’est pas, tant s’en faut, la plus belle basilique de France, elle en est au moins une des plus remarquables, et peut-être la plus religieusement imposante, par sa position au sommet d’un abîme, qu’on ne franchit qu’au moyen d’une montagne de degrés, par la grandeur austère de sa façade noire et blanche, par le jour mystérieux que projettent sous ses sombres nefs les hautes coupoles qui remplacent dans ses voûtes les pleins cintres romans et les ogives gothiques, enfin par les bizarreries calculées et la pauvreté même de son architecture sans ornements.

Jeune fille et vieille femme des environs du Puy-en-Velay. — Dessin de Émile Bayard d’après une photographie.

Au delà de l’église, une succession de marches taillées dans le roc, de plates-formes chargées de débris de murailles, de fragments de tours éboulées, restes d’anciennes fortifications, m’amène enfin sur le sommet nivelé, où depuis 1860 se dresse — à 130 mètres au-dessus de la place de Breuil, et à près de 40 au-dessus du niveau atteint par les flèches de la cathédrale et de la chapelle de Saint-Michel, — le piédestal de la statue de Notre-Dame de France.

Le fer fondu de deux cent treize canons, dépouilles opimes de Sébastopol, a été jeté dans le moule d’où est sortie cette image gigantesque, dont les dimensions dépassent celles de beaucoup de colonnes rostrales. Cependant, ses traits, ses lignes, même vues de près, ne manquent ni de douceur, ni de charme ; son sourire est jeune ; le bambino géant qu’elle tient dans ses bras est bien l’enfant Jésus des peintres, des poëtes et des mères. Quoi qu’on en ait dit, l’ensemble de ce monument est en harmonie avec la grande nature qui l’entoure.