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Il commença ses prédications à Bénarès, à l’âge de trente-six ans, parcourut le Béhar, revit la cité de Kapilavastou, et convertit à la vie religieuse ses trois femmes, son père et d’autres membres de sa famille.

Comme celle-ci portait le nom de Sâkya, c’est sous le surnom de Sâkyamouni, le solitaire des Sâkyas, que le Bouddha fut bientôt connu dans toute l’Inde centrale.

Les luttes qu’il eut à soutenir contre les brahmanes mirent plusieurs fois sa vie en péril. Cependant il put exercer sa mission pendant plus de quarante années, sans lui donner d’autre appui que la sévérité de ses mœurs et la perfection de son savoir.

Lorsqu’il sentit sa fin approcher, le vénérable octogénaire fit de tendres adieux à ses compagnons d’œuvre, et s’étant assis à l’ombre d’un bosquet de saras, il s’éteignit doucement, ne laissant autre chose au monde que sa dépouille mortelle, le souvenir de ses enseignements et l’effet de ses bons exemples.

L’an 543 avant Jésus-Christ, sept jours après la mort du Bouddha, un premier concile de ses sectateurs fixa les paroles du maître, car lui-même n’avait rien écrit. Sa doctrine, qui, dans son intention, n’avait eu d’autre but que d’opérer une réforme morale au sein du culte brahmanique, d’y substituer le règne du devoir à celui des dieux et la pratique du bien à celle de vaines cérémonies, devint, à son tour, un système dogmatique accompagné d’un culte superstitieux et idolâtre.

Le bouddhisme est aujourd’hui la principale religion de l’île de Ceylan, de l’empire Birman, des royaumes de Siam et d’Annam, du Tonkin, du Tibet, de la Tartarie, de la Mongolie, de la Chine et du Japon. Il a dominé quelque temps l’Inde entière, Java et d’autres îles de la Sonde ; il subsiste encore au Cachemire et dans le Népaul. Le nombre de ses adhérents dépasse trois cents millions d’âmes : c’est un chiffre que n’atteint aucune autre religion du globe.

Bonze d’un grade supérieur. — Dessin de Émile Bayard d’après une photographie.

L’introduction du bouddhisme au Japon remonte à l’an 552 de notre ère.

À cette époque, Kin-Meï, le trentième Mikado, reçut du roi de Petsi en Corée, une statue du Sâkyamouni, ainsi que des livres, des bannières, un baldaquin et d’autres objets destinés à l’usage du culte. Une lettre, jointe à ces présents, les accompagnait des recommandations suivantes :

« Voici la meilleure de toutes les doctrines. Venue de l’Inde lointaine, elle nous révèle ce qui fut un mystère pour Confucius lui-même, et nous transporte dans un état final dont la félicité ne peut être surpassée. Le roi de Petsi la communique à l’empire du Mikado, afin qu’elle s’y répande et qu’ainsi s’accomplisse ce qui est écrit dans les livres du Bouddha : « Ma doctrine s’étendra vers l’Orient. »

Aussitôt le Mikado consulta ses ministres sur l’accueil qu’il convenait de faire à la statue du grand Kami de l’Inde. « Toutes les nations de l’Occident, répondit Inamé, vénèrent le Bouddha : pourquoi le Nippon lui tournerait-il le dos ? — Mais, objecta Wokosi, si nous allons rendre hommage à un Kami étranger, n’est-il pas à craindre que nous n’irritions les Kamis nationaux ? »

Alors le Mikado prononça souverainement cette sentence conciliante : « Il est juste et équitable d’accorder à l’homme ce que son cœur désire. Qu’Inamé révère l’image ! »

Celui-ci l’emporta et lui construisit une chapelle.

Cependant une épidémie s’étant déclarée, on l’attribua au nouveau culte. La chapelle fut brûlée, et la statue jetée à la rivière.

La famille d’Inamé n’en demeura pas moins secrètement attachée à la doctrine étrangère.

Sous le règne de Bidats, successeur de Kin-Meï, le ministre Sogano, fils d’Inamé, présenta au Mikado un bonze venu de Sinra en Corée.

Le saint homme, prévenu des difficultés que rencontrerait l’introduction du bouddhisme dans un pays où la religion nationale unissait si intimement le peuple